Bail d’habitation

Bail d’habitation (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) : qualification juridique de la relation contractuelle nouée entre un bailleur et un preneur pour la jouissance exclusive par ce dernier d’un immeuble affecté à sa résidence principale et soumise à ce titre à la loi du 6 juillet 1989.

Enjeu

La législation sur les baux d’habitation tend à déterminer le cadre des rapports locatifs entretenus par les bailleurs et les locataires. Autrement dit entre ceux qui ont déjà accédé à la propriété et ceux qui bien souvent y aspirent, mais ne bénéficient pour l’heure que d’une mise à disposition du bien d’autrui. Aux termes de l’enquête Logement de l’INSEE, sur les presque 35 millions de logements que comptait la France métropolitaine au 1er janvier 2017, plus de 29 millions étaient utilisés à titre de résidence principale dont pratiquement 60% par le propriétaire. Si l’accession à la propriété n’a eu de cesse de croître jusque dans les années 80, elle a par la suite diminué et la part du parc locatif s’est aujourd’hui stabilisée aux alentours de 40%, ce qui représente plus de 11 millions de logements.
La location d’un logement repose sur la relation, parfois l’opposition, entre le bailleur et le locataire. Alors que le premier bénéficie depuis toujours d’une attention législative particulière puisque la loi qualifie le droit de propriété de « plus qu’absolu » et que la Déclaration des droits de l’homme le présente comme « sacré », le locataire a, pour sa part, longtemps été abandonné à lui-même, ne bénéficiant au mieux que des mesures éparses. Il faudra attendre la loi du 31 mai 1990 pour qu’apparaisse le droit à un logement décent, puis la loi du 5 mars 2007 pour que soit affirmée l’existence d’un droit au logement reconnu comme une prérogative fondamentale et un objectif à valeur constitutionnelle.
Pour autant, la genèse d’une législation propre au bail d’habitation est bien antérieure à ces textes.

Origine et évolution

Mis à part la loi du 1er juin 1948 qui, s’inscrivant dans un contexte très particulier, est une loi d’exception (encadrement des loyers existants et libre détermination des loyers des logements neufs aux fins d’en favoriser la construction) et d’extinction (moins de 100.000 logements sont aujourd’hui concernés), ce n’est qu’au début des années 1980 qu’est véritablement apparue une législation sur les baux d’habitation.
Ainsi, la loi du 22 juin 1982, dite loi Quillot, est la première loi à réglementer les rapports locatifs dans le cadre d’un bail d’habitation en regroupant les dispositions existantes jusque-là disséminées et en rééquilibrant le rapport juridique au profit du locataire. La loi du 23 novembre 1986, dite loi Méhaignerie, revint en partie sur cette orientation avant que ne soit définitivement adopté le texte de référence à travers la loi du 6 juillet 1989, dite loi Mermaz.
Cette dernière constitue pour l’heure le socle de la relation contractuelle entre le bailleur et le preneur et le cadre des nombreuses modifications qui lui ont été apportées. Parmi les plus notables peuvent être citées la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains) du 13 décembre 2000 qui impose au bailleur la mise en location d’un logement décent, la loi ENL du 13 juillet 2006 (Engagement National pour le Logement) qui traite notamment des clauses abusives, ou encore et surtout la loi ALUR du 24 mars 2014 (loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) qui, entre autres choses, a fait entrer la location de meublé dans le domaine de la loi de 1989, a renforcé l’encadrement des loyers, réduit le délai de prescription ainsi que celui dont dispose le locataire pour donner congé.
Ce faisant, au fil des évolutions législatives le champ d’application de ce texte, et de fait, la notion même de bail d’habitation s’est affinée.

Champ d’application

Le champ traditionnel d’application de la loi de 1989 est la location de locaux non meublés destinés à un usage d’habitation ou à un usage mixte (professionnel et d’habitation). Mais la loi ALUR de 2014 a profondément modifié ce domaine puisque si officiellement les locaux meublés demeurent toujours exclus de la loi de 1989, en réalité une grande partie des dispositions de ce texte trouve à s’y appliquer de manière indirecte par renvoi.
Qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre de ces catégories, le bail d’habitation ne peut concerner qu’un bien immobilier servant de résidence principale au locataire. La notion d’habitation exclut de fait que des personnes morales soient titulaires d’un tel bail. En outre, le local devant être occupé à titre de logement au moins huit mois par an, sont également exclues les locations saisonnières ou sporadiques.
Au-delà d’un certain nombre de règles communes à tous les baux d’habitation, la loi du 6 juillet 1989 crée des sous-catégories qui bénéficient d’adaptation ou de dérogation au « régime général ». Tel est le cas pour les logements loués meublés, pour les HLM (Habitation à Loyer Modéré) qui, pour l’essentiel, font l’objet d’une réglementation autonome, ou encore ceux loués à certaines catégories de la population (étudiant, personne à forte mobilité, apprenti).

Principe directeur

Par-delà les nombreuses règles contenues dans la loi du 6 juillet 1989, l’efficacité du dispositif repose sur son caractère d’ordre public. A de rares exceptions près, les dispositions relatives au bail d’habitation sont impératives. Cet ordre public de protection permet de lutter contre les stipulations du contrat de bail qui seraient contraires à la volonté du législateur en les retranchant tout simplement du rapport contractuel. Autrement dit, aux fins de protéger les parties (essentiellement le locataire), le contrat n’est pas frappé de nullité, seule l’est la clause litigieuse qui sera tout simplement ignorée, permettant ce faisant la poursuite du contrat et le maintien dans les lieux.

Nicolas Le Rudulier
Novembre 2018

 

→ bail, bailleur, locataire, location meublée, loyer