<\/p>\n
Depuis des ann\u00e9es, pas un colloque, pas un article, concernant le logement social sans que soit \u00e9voqu\u00e9e comme une antienne la n\u00e9cessit\u00e9 de \u00ab\u00a0r\u00e9former\u00a0\u00bb son \u00ab\u00a0mod\u00e8le \u00e9conomique\u00a0\u00bb. Faut-il en d\u00e9duire que ce secteur a fait preuve d\u2019un immobilisme s\u00e9culaire r\u00e9fractaire \u00e0 toute \u00e9volution, d\u00e9multipliant ainsi les critiques \u00e0 son encontre\u00a0? Ou que les modalit\u00e9s de cette r\u00e9forme r\u00e9clam\u00e9e restent en fait \u00e0 trouver\u00a0? Ou plut\u00f4t encore que l\u2019on emploie souvent les mots \u00ab\u00a0r\u00e9forme\u00a0\u00bb et \u00ab\u00a0mod\u00e8le\u00a0\u00bb \u00e0 tort et travers\u00a0!
\nEn fait, comme pour tout secteur \u00e9conomique, comme pour toute politique \u00e9conomique, les caract\u00e9ristiques de ce que l\u2019on peut appeler le mod\u00e8le \u00e9conomique du logement social ont connu des \u00e9volutions continues, des adaptations, impuls\u00e9es par le contexte \u00e9conomique, social ou politique. A ce jour donc, ni immobilisme, ni grand soir.
\nOn peut se demander si les mouvements en cours ou les dispositifs actuellement en d\u00e9ploiement, et surtout leur concomitance, seront en mesure d\u2019apporter un \u00e9l\u00e9ment de rupture plus profond sur les fondamentaux – qu\u2019il convient d\u2019expliciter – du mod\u00e8le \u00e9conomique historique du logement social, et si la conjonction de ces \u00e9volutions constituera un ensemble coh\u00e9rent que l\u2019on pourra qualifier de \u00ab\u00a0nouveau mod\u00e8le\u00a0\u00bb. Mod\u00e8le dont on pourra interroger le sens.
\nMais d\u00e8s lors que l\u2019on parle du \u00ab\u00a0sens\u00a0\u00bb on ne peut plus se contenter de n\u2019aborder que la question \u00e9conomique ou financi\u00e8re du mod\u00e8le du logement social\u00a0; il faut r\u00e9affirmer, ou questionner, sa mission sociale. Et celle-ci comprend bien deux axes\u00a0:<\/p>\n
Les acteurs historiques du logement social sont toujours \u00e0 la man\u0153uvre\u00a0: Etat, collectivit\u00e9s territoriales, entreprises auxquels s\u2019est ajout\u00e9e l\u2019Europe. Et les organismes de logement social, bien s\u00fbr, dont les statuts, le nombre, les noms, ont r\u00e9guli\u00e8rement \u00e9t\u00e9 modifi\u00e9s. Les organismes de logement social ont fond\u00e9 leur d\u00e9veloppement sur une vision \u00e9conomique et technique \u00e0 long terme et ont fait reposer leur dynamique d\u2019entreprise sur l\u2019int\u00e9gration verticale de la cha\u00eene des m\u00e9tiers\u00a0: poss\u00e9der, construire et g\u00e9rer les logements. Le logement social s\u2019inscrit actuellement dans le temps long, le conventionnement des logements est pr\u00e9vu pour une quarantaine d\u2019ann\u00e9es, et, au-del\u00e0, les modalit\u00e9s – niveau de loyer, conditions d\u2019attribution – sont tacitement reconduites. Le logement social, produit gr\u00e2ce \u00e0 des fonds publics, est destin\u00e9 \u00e0 rester dans un patrimoine de nature publique et \u00e0 conserver sa vocation sociale sur le long terme. La \u00ab\u00a0vente Hlm[5]<\/a>\u00a0\u00bb\u00a0n\u2019est pas une affaire nouvelle. Environ 8 000 logements par an ont \u00e9t\u00e9 vendus dans ce cadre ces derni\u00e8res ann\u00e9es. Elle constitue une voie de l\u2019accession sociale \u00e0 la propri\u00e9t\u00e9 s\u00e9curis\u00e9e port\u00e9e par les organismes Hlm. Elle participe aussi \u00e0 leur strat\u00e9gie d\u2019arbitrage patrimoniale quant \u00e0 la localisation, la typologie de leur parc. Elle apporte enfin une ressource financi\u00e8re venant compl\u00e9ter leurs r\u00e9sultats d\u2019exploitation pour contribuer au financement de leurs investissements en production et en r\u00e9habilitation. <\/a><\/p>\n Pour couvrir le besoin de financement annuel de 1 Md \u20ac[6]<\/a> cr\u00e9\u00e9 par la mise en place de la RLS et compte tenu d\u2019une plus-value de 60\u00a0000\u20ac par logement vendu[7]<\/a> il conviendrait de vendre 17\u00a0000 logements sociaux suppl\u00e9mentaires par an. Pour compenser la baisse de parc entra\u00een\u00e9e par ces ventes, il faudra construire plus et donc trouver les ressources n\u00e9cessaires\u2026 en vendant plus\u2026 C\u2019est finalement en tout 34\u00a0000 logements suppl\u00e9mentaires qu\u2019il faudrait vendre[8]<\/a>. S\u2019ajoutant aux 8 000 actuels on arrive au rythme souvent annonc\u00e9 de 40 000 ventes par an. L\u2019emprunt constitue traditionnellement le mode de financement principal du secteur de l\u2019immobilier. Et c\u2019est bien le cas aussi pour le logement social. Un programme de logements neufs requiert environ 80%[11]<\/a> en moyenne de son co\u00fbt en emprunts, un programme de r\u00e9habilitation de l\u2019ordre de 50% selon son ampleur. Le monde Hlm est donc demandeur de financements \u00e0 long terme[12]<\/a> pour des volumes financiers consid\u00e9rables de l\u2019ordre de 15\u00a0Mds\u20ac par an. La Caisse des d\u00e9p\u00f4ts et les Fonds d\u2019\u00e9pargne vivent par ailleurs une r\u00e9organisation profonde dont on ne p\u00e8se pas forc\u00e9ment encore tous les effets ni tous les enjeux.<\/p>\n Le secteur Hlm est un secteur sans but lucratif ou \u00e0 but lucratif limit\u00e9, les actionnaires quand ils existent[20]<\/a> per\u00e7oivent une r\u00e9mun\u00e9ration plafonn\u00e9e. Les aides \u00e0 la pierre au logement social et les aides personnelles aux m\u00e9nages sont parfois consid\u00e9r\u00e9es comme des outils alternatifs de la politique publique en faveur du logement des m\u00e9nages aux revenus modestes. L\u2019observation historique et les comparaisons europ\u00e9ennes nous enseignent plut\u00f4t qu\u2019il vaut mieux les faire coexister et bien les coordonner. Leurs avantages respectifs\u00a0: cr\u00e9ation d\u2019une offre p\u00e9renne de logements \u00e0 bas loyer sur laquelle les pouvoirs publics peuvent agir (localisation, typologie, normes, conditions d\u2019attributions\u2026) d\u2019une part, adaptation fine et en continu aux ressources des m\u00e9nages d\u2019autre part sont ainsi mises en symbiose. Les logements sociaux doivent b\u00e9n\u00e9ficier d\u2019aides au moment de leur production pour assurer que leurs loyers pourront \u00eatre propos\u00e9s \u00e0 des niveaux bien plus bas que ceux du march\u00e9. Traditionnellement ces aides \u00e9taient de trois types[25]<\/a>\u00a0:<\/p>\n Alors que la production de logements sociaux s\u2019est port\u00e9e \u00e0 haut niveau, de l\u2019ordre de 120 000\/an en moyenne depuis 2006, les aides d\u2019Etat n\u2019ont fait que d\u00e9cro\u00eetre r\u00e9guli\u00e8rement depuis. Ceci \u00e9tait permis par les r\u00e9sultats d\u2019exploitation r\u00e9guliers des organismes Hlm qui pouvaient ainsi contribuer au financement des op\u00e9rations nouvelles. La mise en place de la RLS qui va les priver \u00e0 terme d\u2019environ 8% de leurs ressources va changer cette donne. Les loyers du parc de logement social ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9finis historiquement et ressortent d\u2019une \u00e9quation \u00e9conomique \u00e9galisant sur 40 ans les recettes attendues d\u2019un logement (des loyers \u00e9voluant comme l\u2019inflation) et l\u2019ensemble des d\u00e9penses aff\u00e9rentes \u00e0 ce logement (annuit\u00e9 de dette, frais de gestion administrative, accompagnement social, entretien, taxe, provisions pour travaux\u2026). Pour obtenir un loyer plus bas (\u00e0 destination de m\u00e9nages \u00e0 faibles revenus) il faut r\u00e9duire le poids de la charge financi\u00e8re en mobilisant moins d\u2019emprunt dans le financement (ce qui suppose plus de subventions ou de fonds propres) et en diminuant le taux d\u2019int\u00e9r\u00eat. Les \u00ab\u00a0fondamentaux\u00a0\u00bb du mod\u00e8le \u00e9conomique du logement social[30]<\/a>\u00a0: acteurs sans but lucratif, patrimoine appartenant \u00e0 la Nation, strat\u00e9gie de long terme, organisation verticale des m\u00e9tiers, financement via le circuit sp\u00e9cifique du livret A, articulation aides \u00e0 la pierre\/aides \u00e0 la personne, loyers d\u00e9termin\u00e9s par les co\u00fbts, articulation politiques locales\/politiques nationales, solidarit\u00e9 entre organismes Hlm\u2026 ont \u00e9t\u00e9 \u00e0 des moments divers r\u00e9guli\u00e8rement remodel\u00e9s. Ils sont tous r\u00e9interrog\u00e9s, ou touch\u00e9s plus ou moins profond\u00e9ment par les dispositifs en cours de d\u00e9ploiement. Dominique Hoorens<\/strong> [1]<\/a> La demande de logement social d\u00e9passe aujourd\u2019hui 2 millions par an.<\/p>\n [2]<\/a> Evolution du Logement, de l\u2019Am\u00e9nagement et du Num\u00e9rique<\/p>\n [3]<\/a> Et obligatoire pour les organismes de petite taille<\/p>\n [4]<\/a> Moins d\u20191% en moyenne de la production annuelle de logements sociaux<\/p>\n [5]<\/a> Vente en priorit\u00e9 destin\u00e9e au locataire occupant ou \u00e0 un autre locataire Hlm.<\/p>\n [6]<\/a> Bilan \u00e9conomique d\u2019ensemble des charges ou moindres recettes pr\u00e9vues dans la loi de finances 2018 et des mesures d\u2019accompagnement.<\/p>\n [7]<\/a> Cf \u00ab\u00a0Rapport au Ministre de la coh\u00e9sion des territoires sur la vente des logements sociaux\u00a0\u00bb<\/em> Pierre Quercy<\/p>\n [8]<\/a> Sous l\u2019hypoth\u00e8se qu\u2019un logement vendu permet d\u2019en construire 2.<\/p>\n [9]<\/a> Pour 8.000 ventes les organismes mettent en vente pr\u00e8s de 100.000 logements, il faudrait dans ce contexte en mettre en vente rapidement 500.000\u2026<\/p>\n Il est vraisemblable que le rythme actuel est un point d\u2019\u00e9quilibre entre la capacit\u00e9 des m\u00e9nages \u00e0 acheter et l\u2019offre facilement mobilisable par les organismes\u00a0; il ne sera pas ais\u00e9 \u00e0 d\u00e9passer.<\/p>\n [10]<\/a> Il est m\u00eame \u00e9tonnant qu\u2019un logement social vendu reste inscrit dans les contingents de logements sociaux pr\u00e9vus dans le cadre de la loi SRU pendant dix ans quel que soit son acheteur, quelle que soit son utilisation future.<\/p>\n [11]<\/a> Autour de disparit\u00e9 en fonction du co\u00fbt de production, des subventions rassembl\u00e9es, du niveau de loyer attendu \u2026<\/p>\n [12]<\/a> La CDC propose des financements sur 40 ans pour la construction et jusque 60 ans pour le foncier.<\/p>\n [13]<\/a> Ce circuit apportait \u00e9galement des financements au secteur local avant qu\u2019il fasse l\u2019objet d\u2019une banalisation progressive dont on a pu mesurer le danger lors de la crise financi\u00e8re de 2008.<\/p>\n [14]<\/a> Et en contrapos\u00e9e le financement du logement social assure un \u00ab\u00a0d\u00e9bouch\u00e9\u00a0\u00bb s\u00e9curis\u00e9 \u00e0 l\u2019utilisation de l\u2019\u00e9pargne d\u00e9pos\u00e9e.<\/p>\n [15]<\/a> Entre taux du livret A -0.20% et taux du livret A + 1.10%.<\/p>\n [16]<\/a> Lorsque les taux sont sup\u00e9rieurs \u00e0 l\u2019inflation. Ce qui n\u2019est pas le cas actuellement.\u00a0; le taux du livret A a donc \u00e9t\u00e9 fix\u00e9 \u00e0 0.75% en attendant<\/p>\n [17]<\/a> Pour l\u2019emprunteur ou pour l\u2019\u00e9pargnant.<\/p>\n [18]<\/a> Des \u00e9missions obligataires group\u00e9es ont exist\u00e9 dans le pass\u00e9 (France HLM), quelques organismes recourent actuellement \u00e0 des instruments de march\u00e9 comme les billets de tr\u00e9sorerie pour leur besoin \u00e0 tr\u00e8s court terme.<\/p>\n [19]<\/a> Le Fonds National des Aides \u00e0 la Pierre est maintenant financ\u00e9 essentiellement par des cotisations des organismes Hlm eux-m\u00eames.<\/p>\n [20]<\/a> Les offices publics de l\u2019habitat n\u2019ont pas d\u2019actionnaire mais sont adoss\u00e9s \u00e0 une collectivit\u00e9 territoriale.<\/p>\n [21]<\/a> Et donc inf\u00e9rieure \u00e0 l\u2019\u00e9volution des loyers ou des co\u00fbts de construction.<\/p>\n [22]<\/a> Et de mani\u00e8re un peu plus marqu\u00e9e pour les locataires du parc social.<\/p>\n [23]<\/a> Selon l\u2019enqu\u00eate logement le taux d\u2019effort net des m\u00e9nages du premier quartile de revenu par unit\u00e9 de consommation est pass\u00e9 de 2001 \u00e0 2013 de 32,8% \u00e0 40,7% dans le parc priv\u00e9 et de 22,2% \u00e0 27,3% dans le parc social.<\/p>\n [24]<\/a> Lorsque que l\u2019on affecte 100\u20ac d\u2019aides personnelles au logement, les 100\u20ac participent \u00e0 la d\u00e9pense en logement. Si les 100\u20ac sont ajout\u00e9s aux revenus, il est vraisemblable que les m\u00e9nages concern\u00e9s fassent le choix de n\u2019en consacrer qu\u2019une partie \u00e0 leur d\u00e9pense en logement, pour affecter le reste \u00e0 d\u2019autres consommations. La baisse de la d\u00e9pense en logement pourra peser sur sa qualit\u00e9<\/p>\n [25]<\/a> Il faudrait aussi citer les aides des collectivit\u00e9s locales et de l\u2019Etat sous forme d\u2019apport en emprise fonci\u00e8re \u00e0 prix d\u00e9cot\u00e9 par rapport au march\u00e9 foncier, on peut les assimiler \u00e0 une forme de subvention<\/p>\n [26]<\/a> Les Organismes Hlm restent bien s\u00fbr expos\u00e9s au risque de vacance<\/p>\n [27]<\/a> Mais pas toujours, les plans de r\u00e9novation urbaine sont l\u00e0 pour le prouver<\/p>\n [28]<\/a> Entendu comme la qualit\u00e9 du logement et de son environnement (transports, commerces, \u00e9coles \u2026)<\/p>\n [29]<\/a> Sur loyer de solidarit\u00e9 qui s\u2019applique \u00e0 des m\u00e9nages d\u00e9passant les plafonds de ressources impos\u00e9s pour l\u2019entr\u00e9e dans le parc<\/p>\n
\nAu sein des collectivit\u00e9s locales, le r\u00f4le des intercommunalit\u00e9s s\u2019est affirm\u00e9 et la loi leur conf\u00e8re d\u00e9sormais un r\u00f4le strat\u00e9gique au-del\u00e0 de la simple d\u00e9l\u00e9gation des aides \u00e0 la pierre\u00a0: sur la production de logements sociaux, sur l\u2019orientation des attributions et de l\u2019occupation sociale du parc. Le r\u00f4le des autorit\u00e9s europ\u00e9ennes s\u2019est \u00e9galement approfondi en accompagnant financi\u00e8rement certains axes de la politique du logement comme la r\u00e9habilitation thermique, mais surtout, en amenant chaque Etat \u00e0 d\u00e9finir pr\u00e9cis\u00e9ment son service d\u2019int\u00e9r\u00eat \u00e9conomique g\u00e9n\u00e9ral en mati\u00e8re de logement social.
\nLe 1% logement, devenu Action Logement, s\u2019est profond\u00e9ment restructur\u00e9 et a vu ses financements orient\u00e9s de mani\u00e8re importante vers des politiques nationales notamment les plans de r\u00e9novation urbaine.
\nC\u2019est au tour des organismes de logement social, avec la loi ELAN[2]<\/a>, de connaitre une recomposition importante[3]<\/a>\u00a0: fusions des organismes ou regroupements au sein de groupes au sens du code de commerce ou au sein de structures nouvellement cr\u00e9\u00e9es\u00a0: les Soci\u00e9t\u00e9s anonymes de coordination (SAC). On peut ajouter \u00e9galement la cr\u00e9ation des soci\u00e9t\u00e9s de vente d\u2019habitations \u00e0 loyer mod\u00e9r\u00e9 (cf. infra)<\/em> qui auront, elles aussi, le statut de soci\u00e9t\u00e9 Hlm.
\nC\u2019est donc \u00e0 un bouleversement des structures Hlm, de leur p\u00e9rim\u00e8tre d\u2019activit\u00e9, de leur gouvernance auquel on va assister dans les trois prochaines ann\u00e9es. Et il est vraisemblable que les premi\u00e8res structures ainsi constitu\u00e9es feront l\u2019objet d\u2019adaptation au cours des ann\u00e9es suivantes.
\nIl est \u00e0 esp\u00e9rer que ce bouleversement se fera en bonne articulation avec l\u2019organisation territoriale, elle aussi en cours d\u2019adaptation, au risque, sinon, de fragiliser la bonne accroche des politiques du logement avec la diversit\u00e9 des situations locales. Tant il est \u00e9vident que les politiques publiques en mati\u00e8re de logement social, et de logement tout court, ne peuvent s\u2019exprimer de la m\u00eame mani\u00e8re selon la tension existante ou pressentie existant sur les march\u00e9s immobiliers, selon la densit\u00e9 du parc social, la richesse des habitants, la forme urbaine\u2026<\/p>\nLes \u00ab\u00a0m\u00e9tiers\u00a0\u00bb des organismes Hlm\u00a0: \u00e9largissement et fin de l\u2019int\u00e9gration verticale\u00a0?<\/strong><\/h3>\n
\nBien s\u00fbr, quelques pratiques compl\u00e9taient ce descriptif trop monolithique\u00a0: gestion de logements pour compte de tiers et surtout ces derni\u00e8res ann\u00e9es d\u00e9veloppement consid\u00e9rable de la production Hlm par le biais d\u2019achats en \u00e9tat futur d\u2019ach\u00e8vement ou plus marginalement[4]<\/a> par la cr\u00e9ation du montage en usufruit locatif social. Ce dernier repose sur un d\u00e9membrement de propri\u00e9t\u00e9\u00a0: l\u2019usufruit du bien est achet\u00e9 par un bailleur social pour une dur\u00e9e d\u2019environ 15 ou 20 ans, tandis que sa nue-propri\u00e9t\u00e9 appartient \u00e0 un m\u00e9nage investisseur, dans le cadre d\u2019un montage favorisant l\u2019optimisation fiscale.
\nLa contrainte financi\u00e8re et les modifications apport\u00e9es au cadre juridique par la loi ELAN vont vraisemblablement intensifier les formes de \u00ab\u00a0dissociation\u00a0\u00bb de ces m\u00e9tiers au travers de montages sp\u00e9cifiques\u00a0: d\u00e9veloppement de l\u2019usufruit locatif social port\u00e9 par un investisseur institutionnel, dissociation de la propri\u00e9t\u00e9 fonci\u00e8re avec notamment l\u2019apparition des baux emphyt\u00e9otiques port\u00e9s par des soci\u00e9t\u00e9s de foncier solidaire. Certains investisseurs ont m\u00eame montr\u00e9 leur int\u00e9r\u00eat pour le rachat de la nue-propri\u00e9t\u00e9 de logements sociaux \u00e0 construire ou existants.
\nDes organismes de logement social pourront ainsi g\u00e9rer sans construire ou sans poss\u00e9der pleinement les logements, d\u2019autres pourront poss\u00e9der et vendre des logements sans les g\u00e9rer. Certains acteurs voient dans cet affaiblissement de la coexistence de la construction et de la gestion immobili\u00e8re au sein d\u2019une m\u00eame entit\u00e9 un facteur de d\u00e9t\u00e9rioration de la qualit\u00e9 des b\u00e2timents construits et de l\u2019efficacit\u00e9 de leur entretien et de leur r\u00e9novation.
\nParall\u00e8lement, pour les organismes Hlm, devraient aussi s\u2019intensifier des activit\u00e9s \u00ab\u00a0annexes\u00a0\u00bb \u00e0 l\u2019activit\u00e9 de gestion locative ou d\u2019accession sociale \u00e0 la propri\u00e9t\u00e9\u00a0: possibilit\u00e9 de produire un programme de logements mixtes et de vendre la part de logements non sociaux en \u00e9tat futur d\u2019ach\u00e8vement (VEFA), mais aussi am\u00e9nagement urbain, construction ou gestion d\u2019\u00e9quipements locaux, gestion de service d\u2019animation locale\u2026 activit\u00e9s d\u00e9velopp\u00e9es en phase avec l\u2019expression des besoins des acteurs locaux.
\nUne certaine sp\u00e9cialisation des organismes, ou du moins de certains d\u2019entre eux, r\u00e9sultera de ces mouvements.<\/p>\nLa \u00ab\u00a0dur\u00e9e de vie\u00a0\u00bb des logements locatifs sociaux\u00a0: vers une vision plus court-termiste\u00a0?<\/strong><\/h3>\n
\nAvec le dispositif de l\u2019usufruit locatif achet\u00e9 pour une dur\u00e9e donn\u00e9e et la vente Hlm (cf. infra)<\/em> la question de la dur\u00e9e de vie d\u2019un logement social ou plut\u00f4t de la dur\u00e9e de vie du caract\u00e8re social du logement va se poser en d\u2019autres termes.
\nLe raccourcissement de la p\u00e9riode durant laquelle les loyers sont plafonn\u00e9s \u00e9tant une mani\u00e8re de r\u00e9duire le montant des aides \u00e0 apporter, il est vraisemblable que les contraintes financi\u00e8res pesant sur tous les acteurs (Etat, collectivit\u00e9s locales, organismes Hlm) vont faire de la dur\u00e9e une variable d\u2019arbitrage. Au risque de nuire \u00e0 la p\u00e9rennit\u00e9 de l\u2019offre qui, face \u00e0 une demande qui ne faiblit pas, constitue pourtant un \u00e9l\u00e9ment stabilisateur pour les m\u00e9nages concern\u00e9s et la soci\u00e9t\u00e9 toute enti\u00e8re. M\u00eame si, bien s\u00fbr, la sortie d\u2019un m\u00e9canisme \u00ab\u00a0\u00e0 vie\u00a0\u00bb contribuerait \u00e0 \u00e9viter une forme de fl\u00e9chage s\u00e9gr\u00e9gatif de certains patrimoines ou de certains quartiers.
\nD\u2019un point de vue \u00e9conomique, le \u00ab\u00a0raccourcissement de la dur\u00e9e de vie d\u2019un logement social\u00a0\u00bb va priver l\u2019organisme propri\u00e9taire des r\u00e9sultats positifs d\u00e9gag\u00e9s par la gestion d\u2019un logement dont la dette principale a \u00e9t\u00e9 amortie, le privant de ressources pour investir.<\/p>\nLa vente Hlm\u00a0: d\u2019un arbitrage \u00ab\u00a0ex post<\/em>\u00a0\u00bb \u00e0 une strat\u00e9gie \u00ab\u00a0ex ante\u00a0<\/em>\u00bb\u00a0? <\/strong><\/h3>\n
\nLa mise en place de la R\u00e9duction de Loyer de Solidarit\u00e9 (RLS) inscrite dans la loi de finances 2018 va r\u00e9duire fortement les r\u00e9sultats d\u2019exploitation des organismes Hlm. Une importante augmentation du nombre de ventes est attendue pour assurer un maintien de leurs capacit\u00e9s d\u2019investissement. Le recours \u00e0 la vente Hlm de mani\u00e8re relativement massive ne s\u2019est rencontr\u00e9e en Europe que dans les \u00ab\u00a0ex pays de l\u2019Est\u00a0\u00bb au moment de la transition \u00e9conomique, et au Royaume Uni lors du Gouvernement de Mme Thatcher.\u00a0<\/strong><\/p>\n
\nUne multiplication par 5 des ventes n\u2019apparait clairement pas r\u00e9aliste, surtout \u00e0 court terme[9]<\/a>, \u00e0 moins de brader le meilleur parc \u00e0 vil prix. Solution bien \u00e9videmment \u00e9conomiquement dommageable d\u00e8s lors qu\u2019on regarde plus loin que l\u2019apport de ressources imm\u00e9diat, et socialement irr\u00e9versible puisque le bon parc, bien situ\u00e9, ainsi vendu ne pourra jamais \u00eatre reconstitu\u00e9.
\nLa loi ELAN a donc pr\u00e9vu la constitution de soci\u00e9t\u00e9s de ventes qui ach\u00e8teront des logements \u00e0 vendre et les porteront \u00e0 leur bilan jusqu\u2019\u00e0 leur vente effective. C\u2019est une solution d\u2019attente, un transfert de patrimoine et de dette, permettant d\u2019anticiper des ressources futures mais qui risque de poser un probl\u00e8me si les logements ne sont en fait pas vendus.
\nIl est vraisemblable que, dans ce cas, les assouplissements apport\u00e9s par la loi ELAN au cadre r\u00e9glementaire r\u00e9gissant la vente Hlm soient encore \u00e9tendus, accentuant les craintes qu\u2019ils ont pu susciter, notamment la vente en bloc \u00e0 des investisseurs priv\u00e9s leur permettant ensuite des ventes \u00e0 la d\u00e9coupe lucratives. \u00ab\u00a0Acheter \u00e0 prix Hlm pour vendre \u00e0 prix de march\u00e9\u00a0\u00bb est le r\u00eave bien compris de bon nombre d\u2019investisseurs immobiliers qui capteraient ainsi \u00e0 terme une plus-value immobili\u00e8re qui devrait revenir \u00e0 la Nation. Certes on n\u2019est pas oblig\u00e9 de croire que toute vente Hlm se traduira par l\u2019apparition, au choix, d\u2019un marchand de sommeil, d\u2019une copropri\u00e9t\u00e9 d\u00e9grad\u00e9e ou d\u2019un sp\u00e9culateur avide mais force est de constater que la sortie d\u2019un logement du parc social le fait sortir d\u2019un cadre r\u00e9gul\u00e9[10]<\/a> par les politiques publiques et g\u00e9r\u00e9 par un acteur professionnel porteur de ces politiques et de cette \u00e9thique publiques. Il n\u2019est donc gu\u00e8re \u00e9tonnant que bon nombre de collectivit\u00e9s locales cherchent \u00e0 contr\u00f4ler ce mouvement, que ce soit par le cadre r\u00e9glementaire ou en d\u00e9veloppant des formes de maitrise fonci\u00e8re \u00e0 long terme.
\nL\u2019accentuation de la vente n\u2019est pas consid\u00e9r\u00e9e comme une solution financi\u00e8re transitoire, elle est suppos\u00e9e pouvoir s\u2019int\u00e9grer au mod\u00e8le de production\u00a0; en clair, \u00eatre pr\u00e9vue d\u00e8s l\u2019acte de construction pour participer \u00e0 son \u00e9quilibre \u00e9conomique. A l\u2019instar de ce qui est d\u2019ores et d\u00e9j\u00e0 en \u0153uvre concernant le logement interm\u00e9diaire. Mais le logement interm\u00e9diaire est r\u00e9serv\u00e9 \u00e0 des territoires et \u00e0 un public sp\u00e9cifique, son mod\u00e8le pourra-t-il se d\u00e9velopper plus largement\u00a0? Et avec quelles aides publiques\u00a0? Une telle d\u00e9marche soumettrait le secteur Hlm \u00e0 un risque qu\u2019il ne supporte actuellement pas\u00a0: celui du risque immobilier li\u00e9 \u00e0 la difficult\u00e9 de vendre le logement au moment et au prix escompt\u00e9s.<\/p>\nLes pr\u00eats\u00a0: une diversification en voie d\u2019\u00e9largissement\u00a0?<\/strong><\/h3>\n
\nUn circuit financier sp\u00e9cifique a \u00e9t\u00e9 constitu\u00e9 \u00e0 cet escient[13]<\/a>, bas\u00e9 sur la transformation de l\u2019\u00e9pargne plac\u00e9e sur les livrets d\u2019\u00e9pargne r\u00e9glement\u00e9e et le livret A[14]<\/a> au premier chef. M\u00eame aux pires moments des crises financi\u00e8res, ce circuit \u00ab\u00a0administr\u00e9\u00a0\u00bb a assur\u00e9 aux organismes Hlm un acc\u00e8s sans faille \u00e0 la liquidit\u00e9 et \u00e0 des emprunts sur tr\u00e8s long terme. Les emprunts ainsi accord\u00e9s ont une singularit\u00e9 dans le monde bancaire\u00a0: le taux d\u2019int\u00e9r\u00eat ne d\u00e9pend pas de la sant\u00e9 financi\u00e8re de l\u2019organisme mais du caract\u00e8re social du logement cr\u00e9\u00e9\u00a0: le taux d\u2019int\u00e9r\u00eat, index\u00e9 sur le taux du livret A, sera plus faible pour un logement dont le loyer et le plafond de revenu \u00e0 l\u2019entr\u00e9e dans le parc seront plus bas[15]<\/a>. Le circuit financier est ainsi porteur d\u2019un mode de subventionnement.
\nCes conditions d\u2019acc\u00e8s uniformes r\u00e9sultent des garanties apport\u00e9es par les collectivit\u00e9s locales mais constituent aussi une forme de solidarit\u00e9 entre organismes, solidarit\u00e9 renforc\u00e9e notamment par les aides apport\u00e9es aux organismes en difficult\u00e9 par la Caisse de Garantie du Logement Locatif Social.
\nLa d\u00e9termination du taux du livret A, qui sert de r\u00e9f\u00e9rence pour la fixation du taux d\u2019int\u00e9r\u00eat des pr\u00eats, r\u00e9pond \u00e0 une alchimie complexe\u00a0: le taux du livret A doit \u00eatre suffisamment attractif pour l\u2019\u00e9pargnant et suffisamment bas pour \u00eatre int\u00e9ressant pour l\u2019emprunteur. Cet \u00e9quilibre subtil vient de se concr\u00e9tiser dans une formule qui devrait s\u2019appliquer \u00e0 compter de 2020. Elle d\u00e9finit le taux du livret A comme la moyenne de l\u2019inflation et des taux courts de march\u00e9. Ce qui le placera bien en position interm\u00e9diaire entre les deux souhaits, celui des \u00e9pargnants et celui des emprunteurs.
\nCette formule est efficiente lorsque les conditions sur les march\u00e9s financiers sont \u00ab\u00a0normales\u00a0\u00bb[16]<\/a> . Mais depuis la crise financi\u00e8re de 2008 les conditions de march\u00e9 sont atypiques, une anormalit\u00e9 qui dure\u2026 Elle fragilise le positionnement concurrentiel du taux du livret A[17]<\/a> et met le gestionnaire des fonds, la caisse des D\u00e9p\u00f4ts et consignations, en position parfois d\u00e9licate compte tenu de ses co\u00fbts respectifs de ressources et de placements. D\u2019o\u00f9 les modifications incessantes des param\u00e8tres\u00a0: taux de centralisation des fonds, formule pas forc\u00e9ment appliqu\u00e9e\u2026
\nLes organismes Hlm recourent aussi \u00e0 des financements de march\u00e9, essentiellement des emprunts bancaires[18]<\/a> pour financer des projets qui ne peuvent pr\u00e9tendre aux emprunts sur livret A ou pour diversifier leur dette dans les limites que leur impose la loi (utilisation minimale de pr\u00eats sur livret A, interdiction de produits structur\u00e9s risqu\u00e9s).
\nCompte tenu de la situation actuelle sur les march\u00e9s financiers, la tentation est grande de vouloir mobiliser davantage les cr\u00e9dits bancaires ou les instruments de march\u00e9 au risque de fragiliser le circuit historique qui apporte une stabilit\u00e9 et un avantage comparatif sur le long terme. Cette \u00e9volution des sources de financement conduirait les organismes \u00e0 se doter d\u2019une notation financi\u00e8re. Les quelques cas de notation existants laissent pr\u00e9sager des notes de grande qualit\u00e9, mais c\u2019est qu\u2019elles incorporent justement l\u2019existence d\u2019un circuit de financement administr\u00e9 et s\u00e9curis\u00e9. Trop de financements de march\u00e9 conduirait en ce sens \u00e0 d\u00e9grader les notations et \u00e0 d\u00e9grader par l\u00e0 m\u00eame les conditions de financement attendues. Elle signifierait aussi la fin d\u2019une forme de solidarit\u00e9 entre les organismes.
\nD\u2019autres \u00e9l\u00e9ments pourraient \u00e9galement fragiliser le circuit historique\u00a0:<\/p>\n\n
Les fonds propres\u00a0: de nouveaux investisseurs et une dimension plus lucrative\u00a0?<\/strong><\/h3>\n
\nLa conjonction d\u2019un besoin de financement du secteur, compte tenu de la mise en place de la RLS qui ampute sa capacit\u00e9 \u00e0 se doter des fonds propres n\u00e9cessaires pour investir et de l\u2019existence d\u2019investisseurs disposant actuellement de fonds, am\u00e8ne ces derniers \u00e0 marquer leur int\u00e9r\u00eat pour apporter des financements en capital ou sous forme de titres participatifs. Le faible risque du secteur et les perspectives de plus-values que repr\u00e9sentent les ventes de patrimoine sont des facteurs incitatifs.
\nLa p\u00e9rennit\u00e9 des apports financiers de ces investisseurs n\u2019est toutefois pas assur\u00e9e lorsque la liquidit\u00e9 sera moins pr\u00e9sente sur les march\u00e9s et d\u00e8s lors que d\u2019autres placements plus r\u00e9mun\u00e9rateurs appara\u00eetront. La question de la r\u00e9mun\u00e9ration sera alors repos\u00e9e ainsi que celle de la distribution des plus-values li\u00e9es aux ventes.<\/p>\nLes aides personnelles au logement\u00a0: en p\u00e9ril\u00a0?<\/strong><\/h3>\n
\nL\u2019affectation de l\u2019aide personnelle au logement directement au paiement de la charge en logement par le biais du m\u00e9canisme du tiers payant apporte en outre l\u2019avantage de s\u00e9curiser le bailleur face au risque d\u2019impay\u00e9s. Elle participe \u00e0 la politique du logement plus largement qu\u2019au travers de la simple solvabilisation des locataires. Dans le parc priv\u00e9, en effet, elle permet et pourrait permettre davantage qu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent, un contr\u00f4le de la qualit\u00e9 des logements lou\u00e9s et de contribuer ainsi \u00e0 \u00e9viter des formes d\u2019habitat indigne, d\u00e9grad\u00e9 ou pr\u00e9caire, d\u00e9favorables bien s\u00fbr \u00e0 la situation des m\u00e9nages concern\u00e9s mais aussi \u00e0 la soci\u00e9t\u00e9 toute enti\u00e8re.
\nL\u2019\u00e9volution en de\u00e7\u00e0 de l\u2019inflation[21]<\/a> des revenus des locataires[22]<\/a> par un ph\u00e9nom\u00e8ne m\u00e9canique de paup\u00e9risation – les m\u00e9nages qui quittent le parc locatif pour acc\u00e9der \u00e0 la propri\u00e9t\u00e9, ayant des revenus plus \u00e9lev\u00e9s que ceux qui y entrent, souvent des m\u00e9nages nouvellement constitu\u00e9s (jeunes ou issus de s\u00e9paration) – aurait n\u00e9cessit\u00e9 une forme de gel ou de contr\u00f4le de l\u2019ensemble des loyers ou une hausse sensible des aides personnelles et donc un engagement budg\u00e9taire croissant. Les diff\u00e9rents pouvoirs publics en place ne les ont pas jug\u00e9s politiquement ou socialement supportables et ont d\u00e9corr\u00e9l\u00e9 en partie les aides au logement et les niveaux de loyers effectifs. Ceci s\u2019est traduit par un alourdissement de la charge nette en logement des m\u00e9nages locataires, notamment dans le parc priv\u00e9, Dans le parc social, l\u2019articulation reste effective pour une large partie des locataires mais elle s\u2019est tout de m\u00eame d\u00e9grad\u00e9e de mani\u00e8re significative[23]<\/a>.
\nLes r\u00e9centes d\u00e9cisions concernant les aides personnelles, baisse uniforme de 5 \u20ac, faible indexation des param\u00e8tres, vont encore renforcer cette m\u00e9canique d\u00e9favorable au \u00ab\u00a0reste pour vivre\u00a0\u00bb des m\u00e9nages locataires et au premier chef de ceux aux revenus les plus faibles.
\nPlus p\u00e9rilleux sans doute (les dispositifs pr\u00e9cis ne sont pas encore connus) est le projet de \u00ab\u00a0Revenu Universel d\u2019Activit\u00e9\u00a0\u00bb qui engloberait une partie des prestations sociales au b\u00e9n\u00e9fice des m\u00e9nages aux faibles revenus et auquel seraient attach\u00e9s des objectifs d\u2019activit\u00e9 ou d\u2019insertion.
\nLe projet dans son ensemble d\u00e9passe le cadre de l\u2019analyse pr\u00e9sent\u00e9e ici. On s\u2019attachera \u00e0 relever les points n\u00e9gatifs li\u00e9s \u00e0 l\u2019\u00e9ventuelle int\u00e9gration des aides personnelles au bloc des prestations concern\u00e9es. Compte tenu de la volont\u00e9 de ma\u00eetrise budg\u00e9taire sous-jacente et du souhait de diminuer les non-recours aux prestations, il est plus que vraisemblable qu\u2019une telle globalisation se traduise par une baisse des prestations pour un bon nombre des b\u00e9n\u00e9ficiaires actuels et notamment les locataires du parc social. Par ailleurs, l\u2019arr\u00eat du fl\u00e9chage de ces aides vers une diminution de la charge en logement amplifiera les risques d\u2019impay\u00e9s et la multiplication dans le parc priv\u00e9 des formes de logement pr\u00e9caire[24]<\/a>. L\u2019augmentation du risque d\u2019impay\u00e9s conduira les bailleurs du parc priv\u00e9 \u00e0 se montrer plus s\u00e9lectifs envers ces m\u00e9nages aux revenus modestes qui rencontreront donc plus de difficult\u00e9s \u00e0 se loger.<\/p>\nLes aides \u00e0 la pierre\u00a0: disparition des subventions de l\u2019Etat\u2026 et apr\u00e8s\u00a0? <\/strong><\/h3>\n
\n
\nL\u2019exon\u00e9ration de la taxe sur le foncier b\u00e2ti (TFPB) sur 25 ans et l\u2019exon\u00e9ration d\u2019imp\u00f4t sur les soci\u00e9t\u00e9s apportent \u00e9galement une aide significative \u00e0 l\u2019\u00e9quilibre \u00e9conomique des op\u00e9rations de logements sociaux et \u00e0 la capacit\u00e9 des organismes \u00e0 proposer des loyers bas.
\nL\u2019exon\u00e9ration de TFPB d\u00e9cid\u00e9e par l\u2019Etat concerne un imp\u00f4t local, l\u2019Etat a donc logiquement compens\u00e9 cette moindre recette aux collectivit\u00e9s concern\u00e9es, mais cette compensation n\u2019a dur\u00e9 qu\u2019un temps et a quasiment disparu maintenant. Une forme de subvention d\u2019Etat est devenue une perte de recettes obligatoire pour les collectivit\u00e9s locales.<\/li>\n
\nLes contraintes budg\u00e9taires de l\u2019Etat ne faiblissant pas, il est \u00e0 craindre qu\u2019apr\u00e8s la suppression des subventions, et de la compensation de l\u2019exon\u00e9ration de TFPB, l\u2019Etat cherche \u00e0 se d\u00e9gager du co\u00fbt direct de l\u2019exon\u00e9ration d\u2019IS et du co\u00fbt indirect des aides de taux en relevant ses pr\u00e9l\u00e8vements sur les r\u00e9sultats des Fonds d\u2019Epargne ou en r\u00e9duisant l\u2019exon\u00e9ration des int\u00e9r\u00eats sur livret A (cf. supra)<\/em>.<\/p>\nLes loyers Hlm\u00a0: vers une modification de la logique des loyers d\u2019\u00e9quilibre historiques\u00a0?<\/strong><\/h3>\n
\nCes loyers refl\u00e9tant les co\u00fbts et les conditions initiales de financement offrent une grande visibilit\u00e9 financi\u00e8re aux organismes Hlm[26]<\/a> et participent \u00e0 la bonne situation financi\u00e8re du secteur. Lorsque les logements perdurent au-del\u00e0 la p\u00e9riode de calcul de 40 ans, ce qui est le plus souvent le cas[27]<\/a>, les contraintes concernant les attributions et le loyer sont maintenues, mais le pr\u00eat principal \u00e9tant amorti la gestion du logement d\u00e9gage des capacit\u00e9s d\u2019autofinancement utilis\u00e9es pour participer au financement de la r\u00e9habilitation du parc ou de la production neuve. Comme \u00e0 chaque instant les capacit\u00e9s d\u2019autofinancement de chaque organisme de logement social ne co\u00efncident pas avec ses besoins d\u2019investir, des dispositifs divers ont vis\u00e9 \u00e0 p\u00e9r\u00e9quer les situations entre les organismes\u00a0: pr\u00e9l\u00e8vement sur le potentiel financier, hausse des cotisations CGLLS, dispositif interne de mutualisation g\u00e9r\u00e9 par le Mouvement Hlm lui-m\u00eame. Des disparit\u00e9s de situation existent toutefois toujours.
\nCette m\u00e9canique de \u00ab\u00a0recettes attendues\u00a0\u00bb a connu toutefois des hoquets avec des gels de loyers ou la cr\u00e9ation de charges non pr\u00e9vues dans le plan initial. Elle connait en 2018 une v\u00e9ritable rupture avec la mise en place de la R\u00e9duction de Loyer de Solidarit\u00e9, qui remet en cause les loyers attendus.
\nDeux m\u00e9canismes permettant de mieux adapter la matrice des loyers aux \u00e9volutions de l\u2019environnement \u00e9conomique et social de chaque territoire\u00a0: la Remise en Ordre des Loyers \u2013 pour am\u00e9liorer la liaison entre le niveau du loyer et le service rendu[28]<\/a> par le logement – et la Nouvelle Politique des Loyers \u2013 pour augmenter l\u2019offre en bas loyers dans certaines zones g\u00e9ographiques – n\u2019ont pu \u00eatre mis en \u0153uvre faute de stabilit\u00e9 dans les objectifs fix\u00e9s par les lois sur le logement se succ\u00e9dant sur un rythme presque effr\u00e9n\u00e9. Ils reposaient \u00e0 chaque fois sur une redistribution des niveaux des loyers au sein d\u2019un parc tout en assurant le maintien du niveau de recettes de chaque organisme. Il conviendrait de les remettre en discussion.
\nLa paup\u00e9risation des m\u00e9nages locataires Hlm (cf. supra<\/em>) impose effectivement une r\u00e9flexion globale\u00a0: qui doit supporter l\u2019\u00e9cart entre l\u2019\u00e9volution des loyers et l\u2019\u00e9volution des revenus des m\u00e9nages pour \u00e9viter que s\u2019imposent les m\u00e9canismes de march\u00e9\u00a0: logements bas de gamme, voire habitat pr\u00e9caire\u00a0?\u00a0L\u2019Etat\u00a0? Il y renonce avec les baisses d\u2019APL. Les locataires eux-m\u00eames\u00a0? Leur taux d\u2019effort a d\u00e9j\u00e0 beaucoup augment\u00e9. Les collectivit\u00e9s locales\u00a0? Leurs dotations sont en berne. Les organismes Hlm eux m\u00eame\u00a0? Quelle part, au-del\u00e0 de la bonne ma\u00eetrise de leurs d\u00e9penses d\u2019exploitation et de leurs co\u00fbts de production, peuvent-ils prendre encore au travers de la politique des loyers au moment o\u00f9 la RLS a ob\u00e9r\u00e9 leurs marges de man\u0153uvre sans rien modifier \u00e0 la situation des m\u00e9nages aux revenus modestes ?
\nLa loi ELAN comporte le principe de modifier par voie d\u2019ordonnance deux axes de la politique des loyers Hlm\u00a0: les caract\u00e9ristiques du Surloyer de Solidarit\u00e9 (SLS) et surtout la meilleure prise en compte des revenus des m\u00e9nages entrant dans le parc dans la d\u00e9termination de leurs loyers.
\nLa mise en place de loyers Hlm directement proportionnels aux revenus des locataires, qui romprait avec la logique des \u00ab\u00a0loyers fonction des co\u00fbts\u00a0\u00bb, apparait pour certains comme la meilleure r\u00e9ponse \u00e0 apporter. C\u2019est bien l\u00e0 effectivement en apparence le moyen d\u2019assurer que les loyers seront accessibles aux m\u00e9nages, m\u00eame aux revenus les plus faibles.
\nMais peut-on r\u00e9ellement imaginer un loyer proportionnel aux revenus de chaque m\u00e9nage locataire du parc social\u00a0? Un taux unique au sein de l\u2019ensemble du parc n\u2019aurait pas de sens, il serait soit trop bas pour apporter suffisamment de ressources aux organismes gestionnaires et les m\u00e9nages un peu plus ais\u00e9s obtiendraient une forme de rente, soit il serait trop haut emp\u00eachant l\u2019entr\u00e9e dans le parc des m\u00e9nages pauvres et faisant fuir les moins modestes au d\u00e9triment de la mixit\u00e9 souhait\u00e9e par ailleurs dans sein du parc. Et un tel taux unique aurait bien peu de sens par rapport aux disparit\u00e9s territoriales.
\nPourrait-on rendre le financement du logement social \u00ab\u00a0autosuffisant\u00a0\u00bb\u00a0? En clair se passer d\u2019APL et rehausser le SLS[29]<\/a>\u00a0? Il suffit de citer les sommes en jeu\u00a0: plus de 7 Mds d\u2019euros d\u2019APL d\u2019un c\u00f4t\u00e9 et moins de 200 M\u20ac pour le SLS\u2026
\nLe principe d\u2019un loyer fonction du revenu ou d\u2019un reste financier minimal pour vivre pourrait-il s\u2019appliquer \u00e0 la frange la plus modeste des locataires entrant dans le parc\u00a0? Par souci d\u2019\u00e9quit\u00e9 il faudrait l\u2019\u00e9tendre \u00e0 l\u2019ensemble des m\u00e9nages les plus pauvres du parc et ne pas le r\u00e9server aux nouveaux entrants.
\nD\u00e8s lors la somme en jeu devient consid\u00e9rable, ce qui imposerait des formes de compensations financi\u00e8res de l\u2019Etat envers les organismes Hlm. Dont malheureusement on sait ce qu\u2019il advient g\u00e9n\u00e9ralement. Ce d\u00e9bat va s\u2019ouvrir sans doute au moment de la mise en place du Revenu Universel d\u2019Activit\u00e9.
\nDes formules simples et attrayantes \u00ab\u00a0loyer fonction du revenu<\/em>\u00a0\u00bb se heurtent donc \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 des situations et pourraient \u00eatre source d\u2019un risque syst\u00e9mique pour le secteur Hlm\u00a0: les organismes perdraient toute visibilit\u00e9 sur leurs ressources \u00e0 venir et, compte tenu de la paup\u00e9risation des m\u00e9nages demandeurs de logement social, ils auraient comme seule perspective une baisse de leurs ressources alors que leurs d\u00e9penses sont, pour la plus grande part, fixes. La seule variable d\u2019ajustement \u00e9tant la capacit\u00e9 \u00e0 produire de nouveaux logements pour r\u00e9pondre \u00e0 la demande\u2026<\/p>\nUne vision d\u2019ensemble\u00a0? <\/strong><\/h3>\n
\nSi l\u2019objectif des mesures relevait avant tout d\u2019une logique budg\u00e9taire \u00e0 court terme et s\u2019il ne s\u2019agissait que d\u2019accro\u00eetre progressivement et raisonnablement les ventes et de recomposer le tissu des organismes, pour maintenir leurs capacit\u00e9s d\u2019investissement mises \u00e0 mal par la RLS, on pourrait y voir une ni\u00e8me adaptation, d\u00e9j\u00e0 significative, du mod\u00e8le.
\nMais d\u00e8s lors qu\u2019on toucherait aussi simultan\u00e9ment, et de mani\u00e8re importante, au circuit de financement, aux loyers, aux aides personnelles, \u00e0 la vocation g\u00e9n\u00e9raliste du logement social pour le focaliser sur le seul accueil des m\u00e9nages pauvres et que l\u2019on pousserait \u00e0 la financiarisation des acteurs et \u00e0 la valorisation financi\u00e8re \u00e0 tout crin du parc, ce n\u2019est plus d\u2019une r\u00e9forme du mod\u00e8le \u00e9conomique du logement social dont il s\u2019agirait mais de son d\u00e9mant\u00e8lement. Ce qui pourra para\u00eetre \u00e9trange au moment m\u00eame o\u00f9 le mod\u00e8le Hlm fran\u00e7ais est regard\u00e9 avec envie par nos voisins europ\u00e9ens, et o\u00f9 le Royaume-Uni et l\u2019Allemagne, lancent des plans massifs de production de logements sociaux.
\nLes r\u00e9percussions sur la politique du logement toute enti\u00e8re seraient consid\u00e9rables. Il est d\u2019ailleurs \u00e9trange que l\u2019on conduise actuellement les pr\u00e9mices d\u2019une r\u00e9volution dans le parc social sans \u00e9voquer de r\u00e9forme dans le parc priv\u00e9. Consid\u00e8re-t-on par exemple que le \u00ab\u00a0march\u00e9\u00a0\u00bb s\u2019ajustera m\u00e9caniquement (\u00e0 la baisse) \u00e0 la diminution des aides personnelles\u00a0? Est-on s\u00fbr que le \u00ab\u00a0march\u00e9\u00a0\u00bb apportera une r\u00e9ponse aux m\u00e9nages aux revenus les plus modestes sans en revenir \u00e0 des situations que la soci\u00e9t\u00e9 r\u00e9prouve\u00a0: habitat d\u00e9grad\u00e9, bidonvilles, sur-occupation\u2026\u00a0? Est-on s\u00fbr que le \u00ab\u00a0march\u00e9\u00a0\u00bb \u00e9parpill\u00e9 entre de tr\u00e8s nombreux acteurs \u2013 des m\u00e9nages bailleurs qui souvent ne louent qu\u2019un ou deux logements\u00a0\u00bb – sera en mesure de mettre en \u0153uvre les politiques publiques en mati\u00e8re de d\u00e9veloppement du parc, de r\u00e9novation du parc ancien\u00a0; ou alors avec quelles aides publiques\u00a0?\u2026 Un regard lucide sur la situation actuelle permet d\u2019en douter.
\nEvolution ou d\u00e9mant\u00e8lement du mod\u00e8le\u00a0? Quelques d\u00e9cisions attendues dans les mois qui viennent[31]<\/a> permettront de r\u00e9pondre.
\nEsp\u00e9rons qu\u2019un vrai d\u00e9bat permettra d\u2019\u00e9clairer en toute transparence les options et toutes les cons\u00e9quences. La derni\u00e8re grande r\u00e9forme globale du syst\u00e8me en 1977 a \u00e9t\u00e9 pr\u00e9c\u00e9d\u00e9e d\u2019un d\u00e9bat public de trois ans, tr\u00e8s formalis\u00e9, initi\u00e9 par le Livre blanc des Hlm de 1974 et aux moins deux rapports remarqu\u00e9s (Barre et Nora) r\u00e9sultant d\u2019une tr\u00e8s large consultation et d\u2019un travail interminist\u00e9riel coordonn\u00e9 par le Commissariat au Plan. Les attendus et les orientations de la r\u00e9forme ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9battus et rendus accessibles \u00e0 tous. On ne peut pas dire la m\u00eame chose de la conjonction, plus ou moins apparente, plus ou moins coordonn\u00e9e, des fortes inflexions des fondamentaux du secteur Hlm \u00e9voqu\u00e9es ici et qui constitue de ce fait une menace, \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 peut-\u00eatre plus ou moins fond\u00e9e, sur sa capacit\u00e9 \u00e0 rendre le service que la collectivit\u00e9 en attend.<\/p>\n
\nNovembre 2018<\/p>\n
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