Alexandre Coulondre[1]<\/a> <\/strong>et Vincent Lasserre-Bigorry[2]<\/a> <\/strong>ont publi\u00e9 en octobre 2022 pour l\u2019institut IDHEAL une \u00e9tude intitul\u00e9e \u00ab Les territoires de la (non-)production de logements<\/a> \u00bb dans laquelle ils \u00e9laborent une g\u00e9ographie de la production de logements \u00e0 l\u2019\u00e9chelle des intercommunalit\u00e9s du territoire au cours des ann\u00e9es 2010 \u00e0 2019.<\/p>\n Cette \u00e9tude mobilise dix sources de donn\u00e9es relativement nouvelles, ouvertes \u00e0 tous et fournies au minimum \u00e0 l\u2019\u00e9chelle communale, voire sous forme exhaustive. C\u2019est l\u2019occasion pour poiltiquedulogement.com de les interroger sur le processus d\u2019ouverture au public de ces ressources, de leurs apports et de leurs limites.<\/p>\n Alexandre Coulondre est \u00e9galement co-auteur avec Claire Juillard de deux rapports sur le sujet\u00a0:<\/p>\n Vos travaux sur l\u2019immobilier se caract\u00e9risent par l\u2019utilisation de sources de donn\u00e9es mises \u00e0 la disposition du public depuis quelques ann\u00e9es sous forme de bases exhaustives\u00a0: DVF, SITADEL, RPLS, MAJIC personnes morales, BDNB \u2026<\/strong><\/p>\n Alexandre Coulondre<\/strong>\u00a0: En effet, beaucoup de nos travaux de recherche n\u2019auraient pas \u00e9t\u00e9 possibles il y a quelques ann\u00e9es, et notamment celui que nous venons de r\u00e9aliser pour IDHEAL sur les territoires de la production et de la non-production de logements. L\u2019objectif de cette recherche \u00e9tait de caract\u00e9riser finement la production r\u00e9sidentielle dans une approche multivari\u00e9e et \u00e0 une \u00e9chelle locale. Et il s\u2019agissait aussi de prendre en compte les contextes territoriaux dans lesquels se r\u00e9alise cette production en ce qui concerne le peuplement, les finances locales ou encore l\u2019artificialisation des sols.<\/p>\n Pour r\u00e9aliser une telle recherche, nous avons d\u00fb mobiliser et croiser dix sources de donn\u00e9es ouvertes. SITADEL2 (recensement des permis de construire) a \u00e9t\u00e9 au c\u0153ur de l\u2019analyse. Cette source est accessible depuis longtemps sous forme d\u2019indicateurs communaux mais l\u2019acc\u00e8s \u00e0 sa version d\u00e9taill\u00e9e est r\u00e9cent. Nous avons aussi mobilis\u00e9\u00a0: demande de valeurs fonci\u00e8res (DVF pour les transactions), le r\u00e9pertoire du parc locatif social (RPLS), le recensement de la population, l\u2019observatoire national de consommation des espaces naturels et forestiers (OENAS), le recensement des \u00e9l\u00e9ments d\u2019imposition (REI), etc. Sans les vagues r\u00e9centes d\u2019ouverture des donn\u00e9es cela n\u2019aurait pas \u00e9t\u00e9 possible.<\/p>\n En cela, l\u2019Open Data constitue une avanc\u00e9e majeure pour la recherche sur les march\u00e9s immobiliers et les dynamiques territoriales. Les chercheurs n\u2019avaient pas \u00e9t\u00e9 int\u00e9gr\u00e9s historiquement dans la liste des ayants droit de la donn\u00e9e publique[3]<\/a>. Ils ont d\u00fb attendre l\u2019Open Data de la fin des ann\u00e9es 2010.<\/p>\n Vincent Lasserre-Bigorry<\/strong>\u00a0: Il faut pr\u00e9ciser aussi que l\u2019ouverture des sources que nous venons de citer est fondamentalement li\u00e9e \u00e0 l\u2019ouverture des r\u00e9f\u00e9rentiels g\u00e9ographiques associ\u00e9s. Par exemple, DVF est structur\u00e9e sur le r\u00e9f\u00e9rentiel cadastral, quand les donn\u00e9es du recensement sont con\u00e7ues \u00e0 la maille des IRIS (\u00celots Regroup\u00e9s pour l\u2019Information Statistique) et le RPLS \u00e0 l\u2019adresse. L\u2019articulation des sources n\u00e9cessite l\u2019articulation des r\u00e9f\u00e9rentiels g\u00e9ographiques. L\u2019ouverture concomitante du PCI (Plan Cadastral Informatis\u00e9), de la BAN (Base Adresse Nationale), ou encore il y a quelques ann\u00e9es des fonds de cartes des IRIS est ce qui a rendu r\u00e9ellement possible l\u2019exploitation des donn\u00e9es urbaines et immobili\u00e8res par ailleurs lib\u00e9r\u00e9es.<\/p>\n Quelle est l\u2019histoire r\u00e9cente de cette mise \u00e0 disposition\u00a0de bases de donn\u00e9es immobili\u00e8res ?<\/strong><\/p>\n Alexandre Coulondre<\/strong>\u00a0: L\u2019ouverture de donn\u00e9es brutes est une pratique qui concerne aujourd\u2019hui tous types d\u2019acteurs. Les collectivit\u00e9s territoriales, le notariat, ou encore les entreprises ouvrent des donn\u00e9es. Mais l\u2019Etat joue un r\u00f4le central dans ce processus.<\/p>\n Il faut d\u2019ailleurs remarquer que la question des donn\u00e9es immobili\u00e8res, qui nous int\u00e9resse ici, n\u2019est qu\u2019un volet d\u2019un mouvement plus g\u00e9n\u00e9ral d\u2019ouverture des donn\u00e9es publiques qui a pris de l\u2019ampleur depuis environ une dizaine d\u2019ann\u00e9es en France. La loi Pour une R\u00e9publique Num\u00e9rique<\/em> de 2016 a fix\u00e9 un cadre qui facilite les ouvertures dans de nombreux domaines. Un cas embl\u00e9matique est celui des donn\u00e9es de transport (horaires des trains, etc.) qui ont \u00e9t\u00e9 parmi les premi\u00e8res \u00e0 faire l\u2019objet d\u2019une ouverture massive et d\u2019une utilisation par des acteurs priv\u00e9s.<\/p>\n Sur la question de l\u2019immobilier, l\u2019acte fondateur a \u00e9t\u00e9 l\u2019ouverture des donn\u00e9es DVF en 2019 \u00e0 la faveur de la loi ESSOC[4]<\/a> vot\u00e9e un an plus t\u00f4t. Comme nous l\u2019avons dit, ces donn\u00e9es \u00e9taient d\u00e9j\u00e0 accessibles depuis 2010 mais seulement pour certains acteurs publics. Le secret fiscal justifiait cette limitation. Pourtant en 2019, et alors que les normes europ\u00e9ennes sur la gestion des donn\u00e9es personnelles se durcissaient avec le r\u00e8glement g\u00e9n\u00e9ral sur la protection des donn\u00e9es (RGPD), il y a eu une tr\u00e8s forte volont\u00e9 gouvernementale de diffuser ces donn\u00e9es fiscales dans un format brut et en conservant leur pr\u00e9cision g\u00e9ographique. De fait, la donn\u00e9e est fournie aujourd\u2019hui \u00e0 la transaction avec reprise du num\u00e9ro de parcelle. \u00c7a a \u00e9t\u00e9 un vrai tournant.<\/p>\n Vincent Lasserre-Bigorry<\/strong>\u00a0: Et tr\u00e8s vite apr\u00e8s DVF d\u2019autres sources de donn\u00e9es ont \u00e9t\u00e9 ouvertes comme les donn\u00e9es du minist\u00e8re en charge du logement que sont SITADEL2 sur les permis de construire, ou RPLS sur le parc de logements sociaux. Plus r\u00e9cemment, on peut \u00e9voquer celles de l\u2019ADEME sur les DPE (Diagnostics de Performance Energ\u00e9tique) ou celle du CSTB sur les b\u00e2timents et leurs consommations (BDNB).<\/p>\n Qu\u2019est-ce qui justifie, pour l\u2019Etat, la mise \u00e0 disposition de donn\u00e9es\u00a0immobili\u00e8res et urbaines \u00e0 tous types de publics ?<\/strong><\/p>\n Vincent Lasserre-Bigorry<\/strong>\u00a0: Il y a d\u00e9j\u00e0 une contrainte r\u00e8glementaire. En termes d\u2019expropriation par exemple, l\u2019Union Europ\u00e9enne a consacr\u00e9 un principe d\u2019\u00e9galit\u00e9 des armes entre les parties qui implique que tous les acteurs, qu\u2019ils soient priv\u00e9s ou publics, puissent avoir un m\u00eame niveau d\u2019information.<\/p>\n Alexandre Coulondre<\/strong>\u00a0: il y a aussi une adh\u00e9sion implicite \u00e0 la pens\u00e9e \u00e9conomique que l\u2019on pourrait qualifier d\u2019orthodoxe qui voit les territoires comme des march\u00e9s pouvant \u00eatre efficients \u00e0 la condition qu\u2019ils soient \u00ab\u00a0transparents\u00a0\u00bb. Th\u00e9oriquement cette transparence devrait \u00eatre garantie par l\u2019existence de donn\u00e9es d\u00e9taill\u00e9es et facilement accessibles. C\u2019est un raisonnement th\u00e9orique qui fait beaucoup d\u00e9bat dans le monde acad\u00e9mique mais qui influence dans les faits les politiques d\u2019ouverture des donn\u00e9es immobili\u00e8res. Une des ambitions de ces politiques est de peser indirectement sur les prix immobiliers. En th\u00e9orie, la bonne information de tous doit limiter une partie des effets inflationnistes caus\u00e9s par l\u2019asym\u00e9trie d\u2019information.<\/p>\n Si on se concentre sur les enjeux de l\u2019\u00e9tude et de la recherche, quelles sont les exploitations nouvelles qui sont d\u00e9sormais permises par ces ouvertures\u00a0?<\/strong><\/p>\n Alexandre Coulondre<\/strong>\u00a0: Plus les donn\u00e9es sont disponibles et brutes, plus les potentiels analytiques sont nombreux. On est loin d\u2019avoir encore exploit\u00e9 tout ce potentiel, d\u2019autant que de nouvelles sources arrivent encore chaque trimestre.<\/p>\n Je dirais n\u00e9anmoins que l\u2019Open Data renouvelle l\u2019approche au moins sur deux aspects. Le premier est li\u00e9 au g\u00e9or\u00e9f\u00e9rencement tr\u00e8s pr\u00e9cis associ\u00e9 aux donn\u00e9es brutes. Cela permet de descendre \u00e0 des \u00e9chelles fines comme la commune, le quartier, l\u2019adresse ou la parcelle. Ces \u00e9chelles permettent de saisir toute la complexit\u00e9 de la fragmentation des territoires.<\/p>\n Le deuxi\u00e8me aspect renvoie \u00e0 l\u2019ouverture des r\u00e9f\u00e9rentiels g\u00e9ographiques que nous avons d\u00e9j\u00e0 \u00e9voqu\u00e9 et qui permet l\u2019interop\u00e9rabilit\u00e9\u00a0des sources. Il est techniquement envisageable aujourd\u2019hui d\u2019articuler des sources de donn\u00e9es que l\u2019on \u00e9tudiait auparavant de fa\u00e7on cloisonn\u00e9e. Par exemple, on peut reconstituer l\u2019histoire des programmes immobiliers en retrouvant dans DVF (donn\u00e9es sur les transactions) les prix de vente associ\u00e9s aux terrains et aux logements situ\u00e9s \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur des p\u00e9rim\u00e8tres de projets identifi\u00e9s dans SITADEL2 (donn\u00e9es sur les permis de construire). On passe ainsi d\u2019une \u00e9tude de la fixation des prix sur chaque march\u00e9 \u00e0 une \u00e9tude de la chaine de valeur globale en immobilier.<\/p>\n En cela, la diffusion des donn\u00e9es ne change pas seulement la pr\u00e9cision des mesures mais peut changer aussi les d\u00e9bats conceptuels et, par extension, les d\u00e9bats politiques sur les r\u00e9gulations qui s\u2019y rapportent.<\/p>\n Vincent Lasserre-Bigorry<\/strong>\u00a0: De m\u00eame, le g\u00e9or\u00e9f\u00e9rencement tr\u00e8s pr\u00e9cis des donn\u00e9es permet d\u2019enrichir les sources classiques de la statistique publique, comme le recensement, et d\u00e9crire de mani\u00e8re bien plus fine les territoires dans leurs diff\u00e9rentes dimensions.<\/p>\n Ces nouvelles bases de donn\u00e9es exhaustives changent-elles la donne aussi pour les \u00e9tudes et observatoires locaux\u00a0?<\/strong><\/p>\n Alexandre Coulondre<\/strong>\u00a0: Les acteurs locaux de l\u2019observation comme les collectivit\u00e9s territoriales ne sont pas fondamentalement affect\u00e9s par ce mouvement d\u2019ouverture dans la mesure o\u00f9 ils faisaient partie de la liste des ayants droit historiques de la donn\u00e9e publique et avaient d\u00e9j\u00e0 acc\u00e8s \u00e0 des sources comme DVF depuis le d\u00e9but des ann\u00e9es 2010 via<\/em> des proc\u00e9dures sp\u00e9ciales d\u2019obtention.<\/p>\n L\u2019Open Data a n\u00e9anmoins constitu\u00e9 un changement. Parfois pour le meilleur car la donn\u00e9e ouverte est disponible sur tous les territoires alors qu\u2019auparavant les ayants droit avaient acc\u00e8s \u00e0 la donn\u00e9e uniquement sur leur territoire de comp\u00e9tences. D\u00e8s lors, les comparaisons interterritoriales sont facilit\u00e9es.<\/p>\n Et aussi parfois pour le pire, parce l\u2019Open Data s\u2019accompagne souvent d\u2019une baisse de la qualit\u00e9 de l\u2019information. Pour des questions de respect des donn\u00e9es personnelles, les sources ouvertes sont g\u00e9n\u00e9ralement tronqu\u00e9es. Des variables disparaissent au moment de l\u2019ouverture comme ce fut le cas avec DVF o\u00f9 les identifiants des locaux et le r\u00e9gime fiscal associ\u00e9 \u00e0 une transaction ne sont plus renseign\u00e9s, ce qui pose des probl\u00e8mes d\u2019interpr\u00e9tation. Il est par exemple impossible de savoir d\u00e9sormais si la TVA est incluse dans le montant d\u2019une mutation. Le passage \u00e0 l\u2019Open Data implique donc une certaine baisse de qualit\u00e9 de l\u2019information pour les acteurs publics locaux de l\u2019observation.<\/p>\n Ces derniers se sont alors report\u00e9s sur la base DV3F propos\u00e9e par le CEREMA qui enrichit l\u2019information de DVF gr\u00e2ce aux Fichiers Fonciers, une source qui est encore r\u00e9serv\u00e9e aux ayants droits publics. Ceci a recr\u00e9\u00e9 en quelque sorte un mod\u00e8le \u00e0 deux vitesses dans l\u2019acc\u00e8s aux donn\u00e9es.<\/p>\n Justement, quelles sont les limites de ces donn\u00e9es ouvertes et r\u00e9put\u00e9es exhaustives ?<\/strong><\/p>\n Alexandre Coulondre<\/strong>\u00a0: Quand on fait de la statistique on sait que toute donn\u00e9e a des limites. L\u2019enjeu est surtout de comprendre ces limites pour r\u00e9aliser des traitements adapt\u00e9s.<\/p>\n En l\u2019occurrence, on peut regretter comme nous l\u2019avons dit que la donn\u00e9e soit souvent tronqu\u00e9e par rapport \u00e0 sa version historique. On peut aussi regretter parfois un certain manque d\u2019exhaustivit\u00e9, notamment avec SITADEL2 dont le syst\u00e8me de collecte ne parvient pas \u00e0 ce jour \u00e0 recenser la totalit\u00e9 des permis de construire.<\/p>\n Pour certaines utilisations, notamment professionnelles, on peut regretter enfin les d\u00e9lais assez longs de mise \u00e0 disposition. Les analyses sur p\u00e9riodes r\u00e9centes sont limit\u00e9es. Dans la plupart des cas, l\u2019utilisateur devra se contenter de travailler avec un recul d\u2019un an, voire deux. Cette limite s\u2019est fait particuli\u00e8rement ressentir il y a deux ans quand il s\u2019est agi de commencer \u00e0 \u00e9tudier l\u2019impact de la crise du Covid-19 sur le secteur r\u00e9sidentiel. Dans un travail que j\u2019ai r\u00e9alis\u00e9 avec Claire Juillard et Marianne Bl\u00e9haut, nous avons d\u00fb d\u00e9laisser l\u2019Open Data et recourir \u00e0 des donn\u00e9es de plateformes num\u00e9riques. En l\u2019occurrence, nous avons \u00e9tabli un partenariat avec le site leboncoin <\/em>afin d\u2019exploiter ses donn\u00e9es de navigation[5]<\/a>. Celles-ci ont l\u2019avantage d\u2019\u00eatre disponibles quasiment en temps r\u00e9el.<\/p>\n Vincent Lasserre-Bigorry<\/strong>\u00a0: Il y a aussi le fait que l\u2019organisation des donn\u00e9es et leur format d\u00e9pend tr\u00e8s fortement de l\u2019utilisation qui en est faite par l\u2019administration d\u2019origine. DVF est produite par la DGFIP (direction g\u00e9n\u00e9rale des Finances Publiques). Cette origine fiscale est perceptible \u00e0 quiconque a d\u00e9j\u00e0 ouvert le fichier. Les biens sont d\u00e9compos\u00e9s en plusieurs sous-entit\u00e9s pertinentes pour l\u2019administration fiscale mais assez peu pour l\u2019analyse \u00e9conomique des march\u00e9s. Un lourd travail de mise en forme et de \u00ab\u00a0r\u00e9tro-ing\u00e9nierie\u00a0\u00bb est n\u00e9cessaire pour reconstituer un fichier exploitable.<\/p>\n Il faut ajouter que les conditions de production de certains fichiers ne sont pas toujours connues, les m\u00e9tadonn\u00e9es sont souvent pauvres et certaines variables peuvent donc \u00eatre difficilement exploitables notamment par m\u00e9connaissance de leurs sp\u00e9cificit\u00e9s et limites.<\/p>\n C\u2019est \u00e0 mon sens le cas de la base ouverte SIRENE, qui est une source administrative tr\u00e8s riche permettant de conna\u00eetre l\u2019\u00e9volution des activit\u00e9s \u00e9conomiques d\u2019un territoire \u00e0 travers la d\u00e9mographie de ses \u00e9tablissements \u00e9conomiques. La fiabilit\u00e9 de cette base est fortement li\u00e9e aux d\u00e9lais disparates de mise \u00e0 jour des informations sur les \u00e9tablissements. C\u2019est l\u00e0 que des erreurs peuvent \u00eatre faites si les utilisateurs en font un usage trop rapide.<\/p>\n Alexandre Coulondre<\/strong>\u00a0: On peut dire finalement que l\u2019Open Data a baiss\u00e9 le co\u00fbt d\u2019acc\u00e8s aux donn\u00e9es mais d\u2019un autre c\u00f4t\u00e9 a nettement relev\u00e9 les co\u00fbts li\u00e9s \u00e0 la formation et \u00e0 l\u2019acquisition du savoir-faire.<\/p>\n Comment comprendre que les donn\u00e9es soient diffus\u00e9es sous une forme \u00ab\u00a0brute\u00a0\u00bb, tr\u00e8s peu, voire pas, retrait\u00e9es\u00a0?<\/strong><\/p>\n Alexandre Coulondre<\/strong>\u00a0: C\u2019est en effet assez paradoxal \u00e0 premi\u00e8re vue de rechercher la transparence des march\u00e9s et de fournir des donn\u00e9es brutes et difficiles \u00e0 utiliser.<\/p>\n Une explication renvoie aux moyens limit\u00e9s dont disposent les administrations qui ouvrent des donn\u00e9es. Bien souvent, la mise \u00e0 disposition de donn\u00e9es n\u2019est qu\u2019une mission annexe dans la feuille de route de ces administrations. Mettre en forme et mettre en ligne des donn\u00e9es repr\u00e9sente un certain co\u00fbt. D\u00e8s lors, elles ne sont pas incit\u00e9es \u00e0 aller plus loin, que ce soit\u00a0dans la standardisation de leurs donn\u00e9es, ou dans la production d\u2019expertise \u00e0 destination du grand public (tr\u00e8s peu d\u2019administrations qui diffusent des donn\u00e9es proposent aussi des outils de connaissance ou de visualisations par ailleurs).<\/p>\n Vincent Lasserre-Bigorry<\/strong>\u00a0: C\u2019est l\u2019exemple que nous prenions avec la DGFIP, le fichier DVF tel qu\u2019il est produit n\u2019est vraisemblablement pas pens\u00e9 pour \u00eatre facilement exploitable mais plut\u00f4t pour \u00eatre facilement exportable pour les services charg\u00e9s de le fournir.<\/p>\n Finalement, est-ce que la transparence des march\u00e9s immobiliers est au rendez-vous de cet Open Data\u00a0?<\/strong><\/p>\n Alexandre Coulondre<\/strong>\u00a0: Cette question a \u00e9t\u00e9 au c\u0153ur de travaux r\u00e9cents que j\u2019ai men\u00e9s avec Claire Juillard[6]<\/a>. L\u2019histoire nous apprend que l\u2019ouverture des donn\u00e9es et ses modalit\u00e9s pratiques sont le fruit de choix politiques. Le choix qui a \u00e9t\u00e9 fait en France consiste \u00e0 diffuser de la donn\u00e9e brute. Ceci favorise le d\u00e9veloppement d\u2019interm\u00e9diaires comp\u00e9tents capables de traiter cette donn\u00e9e complexe pour le public. On aurait pu imaginer que l\u2019Etat conserve une forme de centralisation avec une administration qui pr\u00e9traite et met en forme la donn\u00e9e pour que le grand public y acc\u00e8de sans autre interm\u00e9diaire.<\/p>\n Quel choix aurait permis plus de transparence\u00a0? C\u2019est difficile \u00e0 dire puisqu\u2019on n\u2019a qu\u2019une version de l\u2019histoire. Ce que l\u2019on peut dire c\u2019est que les travaux qui ont \u00e9tudi\u00e9 les cons\u00e9quences de l\u2019Open Data tel qu\u2019il est \u00e0 l\u2019\u0153uvre aujourd\u2019hui montrent que les ouvertures ne d\u00e9bouchent pas toujours sur une lecture plus limpide des march\u00e9s immobiliers par le grand public. Dans certains march\u00e9s, l\u2019abondance de donn\u00e9es produit plut\u00f4t de la confusion[7]<\/a>.<\/p>\n Entre la donn\u00e9e et la connaissance il y a encore au moins une \u00e9tape qui est celle de l\u2019outil statistique. Or, ces outils statistiques ne sont pas neutres. Ils sont d\u00e9velopp\u00e9s par des interm\u00e9diaires priv\u00e9s. Plus de 60 peuvent \u00eatre identifi\u00e9s[8]<\/a>. La plupart ont connu un essor r\u00e9cent. Citons par exemple MeilleursAgents, Bien\u2019Ici, Bienestimer, ou encore Homeloop, etc. Ces entreprises proposent gratuitement des cartes de prix et des outils d\u2019estimation automatique de la valeur des logements. Ces outils ne se fondent pas uniquement sur DVF mais sont largement nourris par l\u2019Open Data et ont connu de nouveaux d\u00e9veloppements avec le mouvement d\u2019ouverture des donn\u00e9es publiques. Cette mise \u00e0 disposition d\u2019outils de connaissance des march\u00e9s s\u2019inscrit dans un mod\u00e8le \u00e9conomique qui est celui des plateformes. Il consiste \u00e0 faire payer par ailleurs les professionnels de l\u2019immobilier pour obtenir de la visibilit\u00e9 sur le site et collecter des contacts qualifi\u00e9s. De fait, la donn\u00e9e immobili\u00e8re est donc devenue un march\u00e9.<\/p>\n En devenant un march\u00e9, l\u2019information immobili\u00e8re passe d\u2019un probl\u00e8me d\u2019acc\u00e8s \u00e0 un probl\u00e8me d\u2019\u00ab\u00a0opacit\u00e9 m\u00e9thodologique\u00a0\u00bb pour reprendre l\u2019expression de plusieurs g\u00e9ographes[9]<\/a>. Les acteurs du march\u00e9 sont nombreux. Ils n\u2019utilisent pas forc\u00e9ment les m\u00eames sources de donn\u00e9es. Beaucoup m\u00e9langent des donn\u00e9es ouvertes et des donn\u00e9es internes. Quand ils utilisent les m\u00eames sources, ils mettent en \u0153uvre des m\u00e9thodes diff\u00e9rentes pour produire leurs indicateurs de prix. Or, ces choix m\u00e9thodologiques ne sont pas vraiment expliqu\u00e9s pour des raisons de propri\u00e9t\u00e9 industrielle. Ceci limite de fait la capacit\u00e9 du public \u00e0 comprendre l\u2019information assez vari\u00e9e sur les prix qu\u2019il peut collecter aupr\u00e8s des interm\u00e9diaires.<\/p>\n L\u2019Open Data d\u00e9place le d\u00e9bat sur la transparence. Il fait \u00e9merger un enjeu de transparence sur les m\u00e9thodes, mais aussi un enjeu de cr\u00e9ation de r\u00e9f\u00e9rentiels et de normes d\u2019utilisation partag\u00e9es par les diff\u00e9rents interm\u00e9diaires du secteur.<\/p>\n Parall\u00e8lement apparaissent de nouveaux types d\u2019observatoires et de ressources mises en ligne par des organismes publics qui reposent sur d\u2019autres modalit\u00e9s de collecte, non exhaustives et donnant lieu \u00e0 des mod\u00e9lisations et redressements importants tels que l\u2019observatoire GEODIP sur la pr\u00e9carit\u00e9 \u00e9nerg\u00e9tique (ONPE-Ademe) ou la Carte des loyers mise en ligne par le minist\u00e8re du logement en partenariat avec l\u2019ANIL. Dans les deux cas, sont fournies des donn\u00e9es communales pour l\u2019ensemble du territoire. Qu\u2019en pensez-vous\u00a0?<\/strong><\/p>\n Alexandre Coulondre<\/strong>\u00a0: Bien s\u00fbr, la tendance qui consiste \u00e0 fournir de plus en plus de donn\u00e9es brutes ne gomme pas le r\u00f4le de l\u2019Etat dans la production d\u2019expertises et de r\u00e9cits sur les territoires.<\/p>\n Pour comprendre cet apparent paradoxe, il faut pr\u00e9ciser que les outils de connaissances auxquels vous faites allusion \u00e9manent de segments de l\u2019Etat dont la mission est pr\u00e9cis\u00e9ment de produire de la connaissance sur les territoires. Ce qui n\u2019est pas le cas du principal fournisseur de donn\u00e9es brutes en immobilier\u00a0: la DGFIP. Dans le cas de l\u2019ADEME pour les questions \u00e9nerg\u00e9tiques, ou m\u00eame de l\u2019INSEE pour les questions d\u00e9mographiques, la coh\u00e9rence statistique pr\u00e9vaut sur l\u2019exhaustivit\u00e9 dans la mise \u00e0 disposition des informations. Celles-ci sont restitu\u00e9es au terme de proc\u00e9dures de v\u00e9rification, de gestion des valeurs manquantes et de redressements. On pourrait dire que ce qui est diffus\u00e9 est plus proche de la connaissance que de la donn\u00e9e brute. Ces deux modalit\u00e9s cohabitent au sein de l\u2019Etat.<\/p>\n Vincent Lasserre-Bigorry<\/strong>\u00a0: Il existe aussi de nombreuses sources encore ext\u00e9rieures au giron de l\u2019Open Data. Dans ces cas-l\u00e0, il est difficile d\u2019aller plus loin qu\u2019une diffusion d\u2019indicateurs agr\u00e9g\u00e9s \u00e0 la commune. C\u2019est le cas de la Carte des Loyers dont la m\u00e9thodologie s\u2019appuie sur des donn\u00e9es priv\u00e9es issues des plateformes d\u2019annonces immobili\u00e8res. Il en va de m\u00eame pour l\u2019Observatoire National de l\u2019Artificialisation des Sols qui s\u2019appuie notamment sur les Fichiers Fonciers, eux-aussi encore r\u00e9serv\u00e9s \u00e0 certains ayants droit publics. Une diffusion brute n\u2019est pas envisageable ici pour des questions juridiques.<\/p>\n Propos recueillis par la r\u00e9daction de Politiquedulogement.com [1]<\/a> Alexandre Coulondre est chercheur associ\u00e9 au Lab\u2019Urba (Universit\u00e9 Gustave Eiffel), consultant ind\u00e9pendant (DIT Conseil), et animateur du comit\u00e9 \u00ab\u00a0Data\u00a0\u00bb du LIFTI (Laboratoire d\u2019Initiatives Fonci\u00e8res et Territoriales Innovantes)<\/p>\n [2]<\/a> Vincent Lasserre-Bigorry est chercheur associ\u00e9 au LVMT (Universit\u00e9 Gustave Eiffel)<\/p>\n [3]<\/a> Voir notamment\u00a0: Boulay G., Buhot C., Fournier J.-L. (2012), \u00ab\u00a0Les chercheurs exclus de l\u2019Open Data\u202f? Appel \u00e0 signatures lanc\u00e9 \u00e0 la communaut\u00e9 de la recherche<\/a>\u00a0\u00bb, Cybergeo\u202f: European Journal of Geography<\/em> [En ligne].<\/p>\n [4]<\/a> Loi pour un \u00c9tat au service d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 de confiance du 10 ao\u00fbt 2018.<\/p>\n [5]<\/a> Bl\u00e9haut Marianne, Coulondre Alexandre et Juillard Claire (2022), \u00ab Un exode urbain post-covid\u00a0? Analyse des projections g\u00e9ographiques des Fran\u00e7ais \u00e0 partir des donn\u00e9es du site d\u2019annonces immobili\u00e8res leboncoin<\/a> \u00bb, rapport pour POPSU et le R\u00e9seau Rural Fran\u00e7ais, septembre.<\/p>\n [6]<\/a> Coulondre Alexandre avec Juillard Claire (2022) \u00ab Le march\u00e9 immobilier \u00e0 l\u2019\u00e8re de la donn\u00e9e\u00a0: une transparence accrue au service de nouveaux interm\u00e9diaires\u00a0?<\/a> \u00bb, Working Paper de la Chaire Villes et Num\u00e9rique de Sciences Po, n\u00b001-22.<\/p>\n [7]<\/a> 28% des plus grands consommateurs de donn\u00e9es de prix au moment d\u2019une vente consid\u00e8rent que les informations r\u00e9colt\u00e9es ne sont pas concordantes, contre 18% chez ceux qui en consomment mod\u00e9r\u00e9ment (Coulondre et Juillard, p.16, op. cit.<\/em>).<\/p>\n [8]<\/a> (Coulondre et Juillard, op. cit.<\/em>).<\/p>\n [9]<\/a> Boulay, Guilhem, Delphine Blanke, Laure Casanova Enault, et Alexandre Grani\u00e9. \u00ab Moving from market opacity to methodological opacity\u202f: Are web data good enough for french property market monitoring\u202f?<\/a> \u00bb The Professional Geographer, 2020, 1 16.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" A l’occasion de la publication de leur \u00e9tude sur la production de logements en France pour l’institut Idheal, Politiquedulogement.com a interview\u00e9 Alexandre Coulondre et Vincent Lasserre-Bigorry sur leur exp\u00e9rience de l’usage des nouvelles donn\u00e9es urbaines diffus\u00e9es en OpenData <\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[21],"tags":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/logement.web-pme.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/12302"}],"collection":[{"href":"https:\/\/logement.web-pme.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/logement.web-pme.fr\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/logement.web-pme.fr\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/logement.web-pme.fr\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=12302"}],"version-history":[{"count":4,"href":"https:\/\/logement.web-pme.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/12302\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":12306,"href":"https:\/\/logement.web-pme.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/12302\/revisions\/12306"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/logement.web-pme.fr\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=12302"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/logement.web-pme.fr\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=12302"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/logement.web-pme.fr\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=12302"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}\n
\nF\u00e9vrier 2023<\/strong><\/p>\n