Les logements locatifs sociaux, soit aujourd\u2019hui les financements PLUS, PLAI et PLS, font l\u2019objet d\u2019un conventionnement avec l\u2019Etat qui fixe \u00e0 la fois les plafonds de ressources pour l\u2019attribution des logements, les loyers plafonds \u00e0 respecter, le contingent pr\u00e9fectoral de r\u00e9servation et les engagements relatifs \u00e0 l\u2019attribution d\u2019une partie des logements aux m\u00e9nages en difficult\u00e9. Depuis la loi SRU de d\u00e9cembre 2000, le conventionnement a pour les bailleurs sociaux une port\u00e9e d\u00e9finitive\u00a0: il ne prend fin qu\u2019en cas de vente a un particulier ou de destruction. Dans ces conditions, le logement social n\u2019offre que de faibles perspectives de rentabilit\u00e9. Il n\u2019en va pas de m\u00eame pour les op\u00e9rations financ\u00e9es en PLS par des investisseurs autres que les bailleurs sociaux qui ne sont tenus qu\u2019\u00e0 un conventionnement de dur\u00e9e limit\u00e9e, calqu\u00e9e sur celle du pr\u00eat contract\u00e9 aupr\u00e8s de la Caisse des d\u00e9p\u00f4ts (30 ans maximum, port\u00e9e \u00e0 50 ans pour le foncier) et ne portant que sur le plafonnement du loyer et des ressources des locataires. Dans ce cas, la sortie du conventionnement permet, en levant les contraintes de loyer, la r\u00e9alisation des plus-values latentes. Comme le montre le tableau 1, leur production, bien que largement minoritaire et en baisse, n\u2019est pas n\u00e9gligeable.<\/p>\n
<\/a><\/p>\n Or les besoins d\u2019investissements nouveaux sont consid\u00e9rables pour ce type de parc locatif social stricto sensu<\/em>, de m\u00eame que pour le locatif interm\u00e9diaire, dans les zones tendues, o\u00f9 la demande exc\u00e8de tr\u00e8s largement l\u2019offre. Une augmentation des financements publics semble inenvisageable, alors que la priorit\u00e9 du gouvernement est de r\u00e9duire par tous les moyens la d\u00e9pense budg\u00e9taire. Avec 5,1 millions de logements, le parc locatif social fran\u00e7ais est le plus important d\u2019Europe en nombre et l\u2019un des plus cons\u00e9quents en pourcentage du parc total. Loin d\u2019\u00eatre homog\u00e8ne en termes de localisation, de morphologie et de qualit\u00e9 intrins\u00e8que, il n\u2019en repr\u00e9sente pas moins un gisement potentiel consid\u00e9rable de valeur. Ce gisement est aujourd\u2019hui inexploit\u00e9, et il le restera tant que perdureront les contraintes qui d\u00e9coulent du statut HLM, en particulier le conventionnement sans limite de dur\u00e9e. Dans l\u2019hypoth\u00e8se, aujourd\u2019hui improbable, o\u00f9 ce statut serait assoupli, le logement social pourrait attirer des capitaux priv\u00e9s. Le recours \u00e0 la vente s\u2019amplifierait, ce qui permettrait un d\u00e9sengagement partiel de l\u2019Etat. Dans une p\u00e9riode de forte contrainte budg\u00e9taire, o\u00f9 le financement de l\u2019Etat providence devient de plus en plus probl\u00e9matique comme en t\u00e9moigne la mise en \u0153uvre, \u00e0 partir de 2018, de la R\u00e9duction de loyer de solidarit\u00e9 (RLS), une telle perspective peut para\u00eetre s\u00e9duisante aux d\u00e9cideurs politiques. Le d\u00e9bat politique et technique porte sur le bien-fond\u00e9, la l\u00e9gitimit\u00e9 et les conditions d\u2019une telle \u00ab\u00a0ouverture\u00a0\u00bb, sachant que la totalit\u00e9 du parc n\u2019est pas vendable, sauf \u00e0 accepter une d\u00e9cote qui en annulerait l\u2019int\u00e9r\u00eat et que se pose la question de la reconstitution du parc vendu l\u00e0 o\u00f9 c\u2019est n\u00e9cessaire.<\/p>\n Selon l\u2019Inspection g\u00e9n\u00e9rale des finances (IGF) et le Conseil g\u00e9n\u00e9ral de l\u2019environnement et du d\u00e9veloppement durable (CGEDD)[1]<\/sup><\/a>, une mont\u00e9e en r\u00e9gime des investisseurs institutionnels dans le champ du Logement locatif interm\u00e9diaire (LLI) semble susceptible de r\u00e9pondre aux besoins du pays en locatif interm\u00e9diaire, estim\u00e9s entre 180 000 \u00e0 420 000 unit\u00e9s nouvelles sur une d\u00e9cennie, soit un investissement en fonds propres de l\u2019ordre de 20 \u00e0 45 Md\u20ac. Pour ces deux institutions, \u00ab\u00a0La mont\u00e9e en puissance des investisseurs institutionnels suppose n\u00e9anmoins une r\u00e9allocation cons\u00e9quente au sein de leurs portefeuilles d\u2019actifs dans un contexte marqu\u00e9 par leur retrait du r\u00e9sidentiel depuis les ann\u00e9es 1980. <\/em>[\u2026<\/em>] Il r\u00e9sulte cependant des travaux conduits par la mission qu\u2019un tel changement de strat\u00e9gie de la part des investisseurs institutionnels n\u2019est pas conditionn\u00e9 \u00e0 une intervention massive de l\u2019\u00c9tat. Au contraire, les acteurs rencontr\u00e9s ont fait part de leur volont\u00e9 d\u2019inscrire leur action dans un environnement juridique, \u00e9conomique et fiscal \u00e0 la fois stable et pr\u00e9visible\u00a0<\/em>\u00bb[2]<\/sup><\/a>. Certes, cela suppose aussi, toujours selon le m\u00eame rapport, de transformer l’exon\u00e9ration de la taxe fonci\u00e8re (vingt ans pour le logement interm\u00e9diaire), \u00e0 laquelle les collectivit\u00e9s locales \u00e9taient r\u00e9ticentes en l\u2019absence de compensation par L\u2019Etat, en un m\u00e9canisme de cr\u00e9dit d’imp\u00f4t \u00e0 la charge de l’\u00c9tat, ce qui a \u00e9t\u00e9 fait (cf. supra)\u00a0;\u00a0 de mettre fin \u00e0 l\u2019obligation d\u2019inclure au moins 25 % de logements sociaux au sein des programmes de logement interm\u00e9diaire pour b\u00e9n\u00e9ficier du taux r\u00e9duit de TVA fix\u00e9 \u00e0 10 %\u00a0; et d\u2019\u00e9tendre les avantages accord\u00e9s dans le cas de la construction de logements interm\u00e9diaires neufs \u00e0 la r\u00e9novation de logements. <\/a><\/p>\n Seule la baisse des taux d\u2019int\u00e9r\u00eat et du rendement des autres actifs a pu les inciter \u00e0 y mettre un pied (ou plut\u00f4t quelques orteils). Mais m\u00eame en int\u00e9grant l\u2019effort r\u00e9alis\u00e9 par CDC Habitat et In\u2019li, la production moyenne n\u2019est gu\u00e8re que de 8\u00a0000 logements par an sur la p\u00e9riode 2014-2020, chiffre tr\u00e8s inf\u00e9rieur aux 50\u00a0000 esp\u00e9r\u00e9s (tableau 2). Dans les zones o\u00f9 il est n\u00e9cessaire, le LLI offre en effet une trop faible rentabilit\u00e9. C\u2019est le constat que faisait Benoist Apparu en 2020, et il est confirm\u00e9 par une \u00e9tude r\u00e9alis\u00e9e en r\u00e9ponse au rapport de l\u2019IGF et du CGDD sur les perspectives de d\u00e9veloppement d\u2019OPCI d\u00e9di\u00e9s \u00e0 l\u2019investissement dans le locatif interm\u00e9diaire, financ\u00e9s par la collecte de l\u2019\u00e9pargne des particuliers aujourd\u2019hui investisseurs directs dans l\u2019immobilier locatif. Sa conclusion est la suivante\u00a0 :<\/p>\n \u00ab\u00a0Le projet ne prend pas en compte les deux \u00e9l\u00e9ments essentiels de tout investisseur dans l\u2019immobilier\u00a0:<\/em><\/p>\n Pour l\u2019heure, les institutionnels priv\u00e9s (compagnies d\u2019assurance par exemple) n\u2019occupent qu\u2019une position marginale dans la d\u00e9tention et la gestion directe de logements, tous secteurs locatifs confondus. Ils jouent un r\u00f4le dans le financement des fonds d\u2019investissement, comme dans le cas du Fonds de logement interm\u00e9diaire (FLI) cr\u00e9\u00e9 par CDC Habitat et g\u00e9r\u00e9 par une de ses filiales, Amp\u00e8re gestion, qui est aliment\u00e9 par des compagnies d\u2019assurance, des fonds de pension et des fonds du secteur de l\u2019\u00e9nergie[5]<\/sup><\/a>. Pour sa part, In\u2019li a cr\u00e9\u00e9 deux fonci\u00e8res, la premi\u00e8re, Cronos, avec AXA pour la production de 1500 logements interm\u00e9diaires neufs en r\u00e9gion parisienne par an, soit un investissement de deux milliards d\u2019euros, la seconde, Apec, de moindre importance, avec PROBTP et Primonial pour un investissement de 600 logements par an. Force est n\u00e9anmoins de constater que la production des deux fonci\u00e8res cr\u00e9\u00e9es par In\u2019li, du fait notamment de la hausse des taux d\u2019int\u00e9r\u00eat et des bouleversements que cela entra\u00eene sur la hi\u00e9rarchie compar\u00e9e des rendements, n\u2019est pas au rendez-vous. Les pouvoirs publics verraient d\u2019un bon \u0153il, dans une optique de d\u00e9sengagement budg\u00e9taire, d\u2019utiliser les ventes de logements sociaux existants pour financer la production nouvelle. Il faut toutefois avoir \u00e0 l\u2019esprit que les perspectives offertes par la vente diff\u00e8rent consid\u00e9rablement selon les modalit\u00e9s envisag\u00e9es\u00a0: vente \u00e0 l\u2019unit\u00e9 des m\u00e9nages, occupants ou non, ou vente en bloc \u00e0 des investisseurs.<\/p>\n C\u2019est une pratique ancienne mais qui n\u2019a longtemps port\u00e9 que sur des volumes modestes\u00a0: de 4 \u00e0 5\u00a0000 logements par an au d\u00e9but des ann\u00e9es 2000, elle augmente ensuite pour atteindre 8\u00a0000 unit\u00e9s dans la majeure partie des ann\u00e9es 2010. Il s\u2019agit de vente au locataire occupant ou \u00e0 un autre locataire de l\u2019organisme vendeur. La mise en place de la RLS ayant eu pour cons\u00e9quence \u2013 c\u2019\u00e9tait d\u2019ailleurs son objet – une ponction sur les fonds propres des organismes, ces derniers ont \u00e9t\u00e9 invit\u00e9s \u00e0 compenser en augmentant fortement les ventes de logements de leur patrimoine, de fa\u00e7on \u00e0 \u00eatre en mesure de financer un volume important d\u2019investissement. Le nombre de ventes a, certes, quelque peu augment\u00e9 depuis lors, mais dans des proportions tr\u00e8s insuffisantes pour y parvenir\u00a0: 11\u00a0000 ventes ont \u00e9t\u00e9 r\u00e9alis\u00e9es en 2019, soit un nombre largement en de\u00e7\u00e0 de l\u2019objectif affich\u00e9 par les pouvoirs publics de 1% du parc social (soit environ 45 000 par an). La vente de logements sociaux \u00e0 l\u2019unit\u00e9 se heurte en effet \u00e0 des difficult\u00e9s\u00a0: r\u00e9ticence des organismes \u00e0 se d\u00e9faire de la partie la plus attractive de leur parc, faible solvabilit\u00e9 des locataires, difficult\u00e9 \u00e0 g\u00e9rer des copropri\u00e9t\u00e9s m\u00ealant locataires HLM et copropri\u00e9taires occupants, crainte que le produit de la vente facilite le d\u00e9sengagement de l\u2019Etat. \u00a0En outre, elle n\u00e9cessite l\u2019aval des collectivit\u00e9s locales, qui est loin d\u2019\u00eatre acquis d\u2019avance. Enfin, les logements collectifs, qui constituent la plus grande part du parc social fran\u00e7ais, ne sont pas facilement vendables, de sorte qu\u2019il serait irr\u00e9aliste de vouloir reproduire en France l\u2019exp\u00e9rience britannique du right to buy<\/em>, dont le succ\u00e8s a repos\u00e9 en grande partie sur la vente \u00e0 bas prix de maisons individuelles. Une autre voie pourrait consister \u00e0 vendre des logements en bloc \u00e0 des investisseurs institutionnels. Il faut pour cela que l\u2019investisseur ait la possibilit\u00e9 d\u2019en tirer, sous forme de plus-value ou de recettes locatives, un rendement suffisant. Cela suppose de mettre fin au conventionnement pour que le nouveau propri\u00e9taire puisse, \u00e0 un horizon \u00e9conomique raisonnable, louer ou vendre aux conditions du march\u00e9. En d\u2019autres termes, la vente en bloc implique de mettre fin au conventionnement des immeubles concern\u00e9s. Une autre voie serait d\u2019autoriser les organismes de logement social \u00e0 \u00e9largir leur activit\u00e9 de constructeur et de bailleur \u00e0 l\u2019ensemble du spectre du logement. Une telle \u00e9volution a d\u2019ailleurs \u00e9t\u00e9 amorc\u00e9e en 2018 par la loi ELAN, qui a \u00e9tendu leur champ d\u2019activit\u00e9 aux missions concurrentielles de conseil ou d\u2019ing\u00e9nierie urbaine aux collectivit\u00e9 locales, \u00e0 la construction , l\u2019acquisition, la vente et la mise en location d\u2019\u00e9quipements locaux d\u2019int\u00e9r\u00eat g\u00e9n\u00e9ral ou de locaux \u00e0 usage commercial ou professionnel. Il s\u2019agirait donc de poursuivre le mouvement en les autorisant \u00e0 investir le champ de la location priv\u00e9e. Ils deviendraient ainsi des acteurs g\u00e9n\u00e9ralistes du logement, susceptibles de r\u00e9investir dans le secteur social les profits tir\u00e9s leurs activit\u00e9s concurrentielles. Rappelons qu\u2019ils ne sont pour l\u2019heure autoris\u00e9s \u00e0 investir dans le logement interm\u00e9diaire que dans la limite de 10% de leur parc et qu\u2019ils ne peuvent pas intervenir sur le march\u00e9 locatif libre. *\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 * En conclusion, apr\u00e8s examen des flux r\u00e9els et des financements existants ou suppos\u00e9s, le segment du locatif interm\u00e9diaire, toutes choses \u00e9gales par ailleurs, est et devrait rester marginal dans l\u2019offre locative globale. Or la demande pour ce type de bien se r\u00e9v\u00e8le forte et ne peut que s\u2019amplifier si, comme le souhaitent les pouvoirs publics, la mobilit\u00e9 des travailleurs, notamment des jeunes et des seniors, s\u2019accro\u00eet. La remont\u00e9e des taux d\u2019int\u00e9r\u00eat, qui p\u00e9nalise la rentabilit\u00e9 de ce type d\u2019investissement, ne peut qu\u2019accentuer cette situation. Pour tenter d\u2019y rem\u00e9dier, la troisi\u00e8me voie de l\u2019extension des comp\u00e9tences des organismes HLM parait, sur le papier, la plus prometteuse, sans pour autant remettre en cause le mod\u00e8le fran\u00e7ais du logement social. Sa mise en \u0153uvre se heurte toutefois au sujet d\u00e9licat et bien r\u00e9el de la concurrence avec le secteur priv\u00e9 et conduirait certainement \u00e0 relancer le d\u00e9bat sur la banalisation des aides au secteur locatif social. L\u2019ouverture acquise \u00e0 hauteur de 10 % du parc fut d\u2019ailleurs obtenue de haute lutte par le secteur HLM. \u00a0Son extension au logement non aid\u00e9 semble toutefois fond\u00e9e au vu de la faible implication des investisseurs institutionnels priv\u00e9s dans le logement. Ce qui a \u00e9t\u00e9 possible aux Pays-Bas, et accept\u00e9 par L\u2019Union europ\u00e9enne, gardienne du temple en mati\u00e8re de concurrence, serait-il impossible en France\u00a0?<\/p>\n Jean Bosvieux et Bernard Coloos<\/strong> [1]<\/a> D\u00e9veloppement de l\u2019offre de logement locatif interm\u00e9diaire par les investisseurs institutionnels. Rapport public IGF et CGEDD, par Alexandre Jevakhoff, Vincent Constanso, C\u00e9dric Dutruel, L\u00e9a Texier,\u00a0 Marianne Leblanc Laugier, Luc B\u00e9gassat, Jacques Friggit – Avril 2021<\/p>\n [2]<\/a> ibid.<\/p>\n [3]<\/a> Ibid.<\/p>\n [4]<\/a> Prime View, 2022 \u00e9tude pour l\u2019Association fran\u00e7aise de l\u2019immobilier locatif (AFIL).<\/p>\n [5]<\/a> Matthieu Gimat, Antoine Guironnet, Ludovic Halbert. \u00ab\u00a0La financiarisation \u00e0 petits pas du logement social et interm\u00e9diaire en France. Signaux faibles, controverses et perspectives.\u00a0\u00bb 2022. \u200chalshs-03745166\u200c<\/p>\n
\nLes pouvoirs publics verraient donc d\u2019un bon \u0153il l\u2019affectation de fonds priv\u00e9s \u00e0 l\u2019investissement dans le logement interm\u00e9diaire et m\u00eame, pourquoi pas, dans le logement social. A cet \u00e9gard, le locatif interm\u00e9diaire institutionnel (LLI) offre un d\u00e9but de r\u00e9ponse, puisque, m\u00eame s\u2019il ouvre droit \u00e0 des aides publiques, il n\u2019impose qu\u2019une dur\u00e9e limit\u00e9e d\u2019engagement de location \u00e0 un loyer plafonn\u00e9. De plus, la contrainte du loyer plafond n\u2019est pas trop pesante si celui-ci est proche du loyer de march\u00e9. Est-il concevable d\u2019aller plus loin et d\u2019attirer les investisseurs institutionnels vers le financement du logement social stricto sensu, <\/em>dans un contexte de remont\u00e9e depuis d\u00e9but 2022 des taux d\u2019int\u00e9r\u00eat\u00a0? Et si la condition de cette financiarisation g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e est l\u2019abandon du conventionnement sans limite de dur\u00e9e, quelles pourraient en \u00eatre les cons\u00e9quences\u00a0?<\/p>\nUn gisement consid\u00e9rable<\/h3>\n
Le LLI\u00a0: perspectives et limites<\/h3>\n
\nLes rapporteurs estiment que ces mesures permettraient d\u2019accompagner sans choc d\u2019offre la suppression du Pinel et, pourquoi pas, d\u2019augmenter la production en captant l\u2019\u00e9pargne des particuliers, ce qui supposerait toutefois une petite r\u00e9volution chez les \u00e9pargnants. \u00ab\u00a0Dans la perspective d\u2019une r\u00e9duction progressive des dispositifs fiscaux en faveur de l\u2019investissement des particuliers, la mission estime que le d\u00e9veloppement de nouveaux fonds d\u00e9di\u00e9s au logement interm\u00e9diaire en construction neuve ou en r\u00e9novation de l\u2019ancien, sous la forme d\u2019Organismes de placement collectif en immobilier (OPCI), pourrait permettre de continuer de diriger l\u2019\u00e9pargne des m\u00e9nages vers le logement interm\u00e9diaire sans d\u00e9stabiliser les acteurs de la construction et sans dispositif d\u2019incitation fiscale suppl\u00e9mentaire<\/em>\u00a0\u00bb[3]<\/a>. Enfin, dernier avantage, on peut faire confiance aux institutionnels pour investir dans les zones o\u00f9 le besoin est le plus marqu\u00e9.
\nUne telle orientation appara\u00eet pour le moins paradoxale alors qu\u2019un million de logements est sorti du parc des investisseurs institutionnels en 35 ans, et, si l\u2019on met \u00e0 part les filiales d\u2019Action logement et de la CDC (In\u2019li et CDC habitat), que les institutionnels \u00ab\u00a0classiques\u00a0\u00bb (banques, compagnies d\u2019assurance, caisses de retraite, OPCI…) s\u2019int\u00e9ressent fort peu au locatif interm\u00e9diaire (tableau 2bis).<\/p>\n\n
\nAu vu de ce constat, la proposition de faire reposer la satisfaction des besoins en locatif interm\u00e9diaire sur le seul segment LLI ou presque semble \u00eatre un pr\u00e9texte pour justifier la d\u00e9cision d\u00e9j\u00e0 prise de mettre fin au Pinel.
\nIl est vrai que, comme nous l\u2019avons vu dans la premi\u00e8re partie de cet article, le Pinel n\u2019est gu\u00e8re efficace en ce qui concerne la production de logements \u00e0 loyer interm\u00e9diaire. Mais les investissements qui en b\u00e9n\u00e9ficient contribuent puissamment \u00e0 l\u2019alimentation de l\u2019offre locative globale, de sorte que sa suppression entra\u00eenerait tr\u00e8s vraisemblablement une chute des volumes produits. Il s\u2019ensuivrait probablement une contraction de l\u2019offre locative d\u2019autant plus mal venue qu\u2019elle interviendrait concomitamment \u00e0 l\u2019interdiction de la location des passoires thermiques.<\/p>\nFinancement par la vente<\/h3>\n
La vente \u00e0 l\u2019unit\u00e9<\/h4>\n
\nDans ces conditions, la vente repr\u00e9sente un compl\u00e9ment utile \u00e0 l\u2019alimentation en fonds propres des organismes, mais elle ne saurait \u00eatre suffisante pour compenser la ponction qui d\u00e9coule de la RLS et se substituer aux aides publiques.<\/p>\nLa vente en bloc<\/h4>\n
\nL\u2019exemple allemand[6]<\/a> fournit une bonne illustration de ce processus et des cons\u00e9quences possibles. Au d\u00e9but des ann\u00e9es 1990, les besoins financiers de l\u2019Etat apr\u00e8s la r\u00e9unification conduisent \u00e0 des cessions massives de logements locatifs publics. Les ventes \u00e0 l\u2019unit\u00e9 s\u2019\u00e9tant r\u00e9v\u00e9l\u00e9es difficiles, le parc locatif est l\u2019objet d\u2019un gigantesque jeu de Monopoly.\u00a0 De nombreux logements appartenant pr\u00e9c\u00e9demment \u00e0 des r\u00e9gies municipales ou \u00e0 de grandes entreprises sont vendus en bloc \u00e0 des investisseurs, des r\u00e9gies publiques sont privatis\u00e9es. Dans un premier temps, des logements sont vendus \u00e0 des \u00ab\u00a0investisseurs interm\u00e9diaires\u00a0\u00bb, \u00e0 charge pour ces derniers de les revendre aux occupants ou \u00e0 d\u2019autres m\u00e9nages. Toutefois, la vente \u00e0 la d\u00e9coupe s\u2019av\u00e9rant toujours aussi difficile, les investisseurs sont contraints de conserver les logements acquis ou les revendre en bloc \u00e0 d\u2019autres.
\nLa seconde vague d\u2019acheteurs est motiv\u00e9e par l\u2019espoir de plus-values rapides\u00a0: d\u2019une part parce qu\u2019ils ont achet\u00e9 \u00e0 prix fortement d\u00e9cot\u00e9s, d\u2019autre part parce que la fin des conventions de logements sociaux entra\u00eene une augmentation de la valeur des logements concern\u00e9s. Bien que n\u2019ayant pas l\u2019intention de les conserver, ils seront dans de nombreux cas contraints de le faire. La gestion des immeubles va s\u2019en ressentir, elle se traduira par une polarisation accrue, certains immeubles \u00e9tant vou\u00e9s \u00e0 la d\u00e9gradation et \u00e0 l\u2019accueil de m\u00e9nages pauvres, d\u2019autres au contraire, aux loyers plus \u00e9lev\u00e9s, \u00e9tant d\u00e9volus \u00e0 l\u2019accueil de m\u00e9nages plus ais\u00e9s. Ces \u00e9volutions suscitent un m\u00e9contentement de plus en plus vif des locataires.
\nCet \u00e9pisode met en lumi\u00e8re un aspect rarement \u00e9voqu\u00e9 aujourd\u2019hui du r\u00f4le du logement social\u00a0: sa contribution \u00e0 l\u2019offre globale. La hausse des loyers priv\u00e9s, \u00e0 Berlin et ailleurs, est en effet \u00e0 interpr\u00e9ter comme le r\u00e9sultat d\u2019une insuffisance du volume de construction neuve, lui-m\u00eame cons\u00e9cutif au d\u00e9sengagement de l\u2019Etat f\u00e9d\u00e9ral.
\nEt tout \u00e9tat de cause, la vente en bloc reposerait en France sur la possibilit\u00e9 de \u00ab\u00a0d\u00e9conventionner\u00a0\u00bb les logements sociaux existants. Nous sommes loin d\u2019une telle \u00e9volution. C\u2019est m\u00eame la tendance inverse que l\u2019on observe. Ainsi la loi 3DS de 2022 (article 74) soumet le non renouvellement des conventions APL des logements locatifs sociaux en communes SRU \u00e0 l’avis du pr\u00e9fet et du maire de la commune d\u2019implantation.<\/p>\nElargissement de l\u2019activit\u00e9 des organismes de logement social<\/h3>\n
\nC\u2019est la voie choisie par les Pays-Bas[7]<\/a>, le pays d\u2019Europe o\u00f9 la part du locatif social est la plus importante. Comme la France, il a connu une p\u00e9nurie de logements au lendemain de la deuxi\u00e8me guerre mondiale et a mis l\u2019accent sur la construction de logements sociaux pour la r\u00e9sorber. Une r\u00e9orientation de la politique du logement (le Brutering<\/em>) a eu lieu de 1989 \u00e0 1993. Le d\u00e9sengagement de l\u2019Etat s\u2019est traduit par le transfert de comp\u00e9tences aux collectivit\u00e9s locales, l\u2019ind\u00e9pendance des organismes de logement social, la suppression des aides \u00e0 la construction et une augmentation des loyers de 5,5% par an entre 1990 et 1994 de fa\u00e7on \u00e0 assurer l\u2019autonomie financi\u00e8re des organismes. L’\u00c9tat entendait en effet solder ses comptes avec les organismes, le but \u00e9tant que le secteur social ne lui co\u00fbte plus rien. Les organismes y ont gagn\u00e9, en contrepartie, une plus grande autonomie de gestion.
\nEn autorisant les organismes de logement \u00e0 diversifier leurs activit\u00e9s et en banalisant leur financement, les pouvoirs publics les ont incit\u00e9s \u00e0 se restructurer et \u00e0 adapter leurs strat\u00e9gies \u00e0 une logique de march\u00e9. Fusions et regroupements – leur nombre a \u00e9t\u00e9 divis\u00e9 par trois entre 1990 et 2019 – leur ont permis de r\u00e9duire leurs co\u00fbts de gestion et d\u2019utiliser leurs fonds propres de fa\u00e7on plus pertinente au regard de la localisation des besoins, les choix d\u2019investissement pouvant d\u00e9sormais \u00eatre faits en prenant en compte les caract\u00e9ristiques de patrimoines et de territoires plus larges. Enfin, les plus importants ont acquis un poids qui leur permet d\u2019\u00eatre des partenaires \u00e0 part enti\u00e8re des collectivit\u00e9s locales, et non plus de simples op\u00e9rateurs.
\nLeur taille et la qualit\u00e9 de leurs actifs leur permettent de se financer \u00e0 de bonnes conditions sur le march\u00e9 des capitaux. Cela leur impose d\u2019adopter des strat\u00e9gies patrimoniales visant \u00e0 valoriser leur parc, dans lesquelles la vente joue un r\u00f4le non n\u00e9gligeable. Dans le but de maximiser leurs profits, ils n\u2019h\u00e9sitent pas \u00e0 augmenter les loyers dans la partie \u00ab\u00a0non sociale\u00a0\u00bb de leur parc. Ce processus peut toutefois engendrer une polarisation du parc, avec d\u2019une part des logements bien situ\u00e9s r\u00e9serv\u00e9s \u00e0 une client\u00e8le relativement ais\u00e9e et, d\u2019autre part, des immeubles localis\u00e9s dans des environnements peu attractifs, destin\u00e9s aux plus pauvres.
\nL\u2019\u00e9largissement du champ d\u2019activit\u00e9 des organismes correspond \u00e0 un souhait ancien d\u2019une partie des op\u00e9rateurs HLM. Il se heurterait sans aucun doute \u00e0 l\u2019opposition des acteurs priv\u00e9s qui ne manqueraient pas d\u2019exiger, au nom de l\u2019\u00e9quit\u00e9, la r\u00e9ciprocit\u00e9.<\/p>\n
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\nJanvier 2023<\/a><\/p>\n
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