<\/p>\n
Le 10 octobre 2022, \u00e0 Ch\u00e2teau-Gontier en Mayenne, le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique, Emmanuel Macron, a \u00e9voqu\u00e9 sa volont\u00e9 d\u2019ouvrir un nouveau \u00ab chapitre de la vraie d\u00e9centralisation \u00bb. Le logement, sujet territorial par essence, sera-t-il concern\u00e9 par cette possible \u00e9volution du cadre de relations entre l\u2019\u00c9tat et les collectivit\u00e9s\u00a0? La question m\u00e9rite d\u2019\u00eatre examin\u00e9e, d\u2019autant que les r\u00e9alit\u00e9s de march\u00e9 et les situations v\u00e9cues apparaissent de plus en plus diff\u00e9renci\u00e9es.
\nMais que recouvrent ces termes\u00a0? Apr\u00e8s une premi\u00e8re partie qui rappelle quelques d\u00e9finitions, nous \u00e9voquerons, de mani\u00e8re synth\u00e9tique, l\u2019histoire de la lente d\u00e9centralisation en mati\u00e8re de logement depuis 1982. En troisi\u00e8me partie, nous aborderons les questions majeures que poserait une d\u00e9centralisation acc\u00e9l\u00e9r\u00e9e de la comp\u00e9tence logement et les sujets qui pourraient \u00eatre concern\u00e9s.<\/p>\n
D\u2019apr\u00e8s le site du Larousse, la d\u00e9centralisation peut \u00eatre \u00ab\u00a0un syst\u00e8me d’organisation des structures administratives de l’\u00c9tat dans lequel l’autorit\u00e9 publique est fractionn\u00e9e et le pouvoir de d\u00e9cision remis \u00e0 des organes autonomes r\u00e9gionaux ou locaux\u00a0\u00bb[1]<\/a>. La gauche, arriv\u00e9e au pouvoir en 1981, a r\u00e9alis\u00e9 une profonde d\u00e9centralisation de l\u2019administration fran\u00e7aise. Ce que l\u2019on appelle \u00ab\u00a0l\u2019acte I de la d\u00e9centralisation\u00a0\u00bb court de 1982, date des \u00ab\u00a0lois Defferre\u00a0\u00bb, du nom du ministre de l\u2019int\u00e9rieur et de la d\u00e9centralisation de l\u2019\u00e9poque (et maire de Marseille) \u00e0 1986. Dans ce d\u00e9but de septennat, 25 lois compl\u00e9t\u00e9es par environ 200 d\u00e9crets se sont succ\u00e9d\u00e9[2]<\/a>. En 1982, la r\u00e9gion est ainsi devenue une collectivit\u00e9 territoriale \u00e0 part enti\u00e8re, dot\u00e9e d\u2019un conseil \u00e9lu au suffrage universel, et d\u2019un ex\u00e9cutif. Depuis cette date, le pr\u00e9sident du conseil d\u00e9partemental et celui du conseil r\u00e9gional sont \u00e9lus. Toutefois, comme l\u2019\u00e9crit la Fondation Jean Jaur\u00e8s, \u00ab\u00a0l\u2019autonomie suppl\u00e9mentaire accord\u00e9e aux collectivit\u00e9s territoriales par l\u2019\u00c9tat central ne s\u2019est pas accompagn\u00e9e d\u2019un r\u00e9el d\u00e9sengagement de celui-ci\u00a0\u00bb. Comment aborder, dans ce d\u00e9bat, la question du logement sachant que les \u00e9volutions initi\u00e9es depuis 40 ans ont laiss\u00e9 un go\u00fbt d\u2019inachev\u00e9[6]<\/a>, \u00e0 force de segmenter les sujets\u00a0? Les p\u00e9rim\u00e8tres A-B-C[10]<\/a> actuels, datant de 2014 (cf. carte 1a ci-dessous), ne sont plus en phase avec les dynamiques locales, d\u2019autant que les p\u00e9rim\u00e8tres communaux ou intercommunaux ne sont que des limites administratives ne correspondant pas aux r\u00e9alit\u00e9s v\u00e9cues. Il s\u2019agirait de donner la possibilit\u00e9 aux acteurs locaux de r\u00e9viser les zonages, voire de les supprimer et de d\u00e9cider d\u2019en d\u00e9finir ou pas. Cette seconde option serait certes plus radicale mais r\u00e9pondrait pleinement \u00e0 l\u2019objectif de d\u00e9centralisation. <\/a><\/p>\n Une exp\u00e9rimentation a eu lieu en Bretagne concernant le Pinel. D\u2019apr\u00e8s une d\u00e9p\u00eache AEF publi\u00e9e en septembre 2021[11]<\/a>, le rapport d\u2019\u00e9valuation de la DREAL, relatif \u00e0 cette exp\u00e9rimentation, confirme que \u00ab\u00a0lorsque le zonage est adapt\u00e9, le dispositif Pinel a des effets positifs s\u2019il est ma\u00eetris\u00e9\u00a0\u00bb m\u00eame si les services de l\u2019Etat se refusent \u00e0 tout bilan d\u00e9finitif. Il est not\u00e9 que le principal int\u00e9r\u00eat du Pinel est de participer de mani\u00e8re importante \u00e0 la fluidit\u00e9 du march\u00e9 immobilier, l\u2019exp\u00e9rimentation ayant permis \u00ab\u00a0d\u2019am\u00e9liorer l\u2019\u00e9quilibre de l\u2019activit\u00e9 entre l\u2019Ouest et l\u2019Est de la Bretagne\u00a0\u00bb selon le rapport.<\/p>\n Au-del\u00e0 du seul dispositif Pinel, revoir la question des zonages appara\u00eet essentiel pour retravailler la compl\u00e9mentarit\u00e9 des parcs selon les besoins locaux et surtout pour \u00eatre en mesure, plus rapidement que ne le peut l\u2019\u00c9tat, d\u2019ajuster les p\u00e9rim\u00e8tres \u00e0 des niveaux infra-communaux, en fonction de projets que porteraient les \u00e9lus et des enjeux du lien emploi-logement (r\u00e9industrialisation, r\u00e9ouverture d\u2019une gare, annonce d\u2019un projet d\u2019\u00e9quipement structurant\u2026). En lien avec le point pr\u00e9c\u00e9dent, l\u2019objectif serait d\u2019une part, de permettre des ajustements locaux dans la mise en \u0153uvre de la sobri\u00e9t\u00e9 fonci\u00e8re et de l\u2019objectif de \u00ab\u00a0z\u00e9ro artificialisation nette\u00a0\u00bb (ZAN) d\u2019ici \u00e0 2050, d\u2019autre part, de concevoir un syst\u00e8me de compensation \u00e0 bonne \u00e9chelle. M\u00eame si le sujet du ZAN est encore mal d\u00e9fini, cette compensation pourrait s\u2019entendre au niveau r\u00e9gional car la r\u00e9gion joue un r\u00f4le structurant en mati\u00e8re d\u2019am\u00e9nagement du territoire. Signer des \u00ab\u00a0conventions de sobri\u00e9t\u00e9 fonci\u00e8re\u00a0\u00bb ne suffirait pas pour parler d\u2019une vraie d\u00e9centralisation, m\u00eame si l\u2019\u00c9tat en \u00e9tait signataire. Si la d\u00e9centralisation devenait effective sur ce champ, il s\u2019agirait d\u2019aller encore plus loin car le foncier constitue le probl\u00e8me-cl\u00e9, non r\u00e9solu. C\u2019est \u00e0 la fois le frein et la difficult\u00e9, faute d\u2019une v\u00e9ritable strat\u00e9gie nationale. Dans un syst\u00e8me d\u00e9centralis\u00e9, l\u2019\u00c9tat ne serait plus que l\u2019\u00e9valuateur, laissant la main aux r\u00e9gions pour mettre en place une strat\u00e9gie adapt\u00e9e. Reste qu\u2019il faudra imp\u00e9rativement d\u00e9finir un outil unique de calcul, outil qui s\u2019imposera \u00e0 tous, au risque de ne pas pouvoir consolider les chiffres ni de v\u00e9rifier que les objectifs nationaux sont atteints. De nombreux EPCI r\u00e9clament cette comp\u00e9tence. Faut-il pr\u00e9voir une contractualisation ou une d\u00e9centralisation pleine et enti\u00e8re\u00a0? La vraie question est\u00a0: \u00ab\u00a0qui paie\u00a0?\u00a0\u00bb vu les montants astronomiques n\u00e9cessaires, \u00e9valu\u00e9s \u00e0 plusieurs milliards d\u2019euros, pour supprimer toutes les passoires thermiques d\u2019une part, am\u00e9liorer les \u00e9tiquettes des autres logements d\u2019autre part.<\/p>\n – Logique de guichet : une collectivit\u00e9 demande \u00e0 l\u2019\u00c9tat une enveloppe en fonction de ses pr\u00e9visions. Le risque est de mettre en place un syst\u00e8me de \u00ab premi\u00e8re collectivit\u00e9 arriv\u00e9e, premi\u00e8re servie \u00bb et de conduire \u00e0 une suppression de dispositifs faute de moyens adapt\u00e9s au niveau local. Le graphique 1, publi\u00e9 en septembre 2022 par le minist\u00e8re de la transition \u00e9cologique et de la coh\u00e9sion des territoires[13]<\/a>, montre bien que, m\u00eame sans d\u00e9centralisation achev\u00e9e en mati\u00e8re de logement, la contribution des collectivit\u00e9s territoriales a augment\u00e9 et a compens\u00e9 en partie le d\u00e9sengagement de l\u2019\u00c9tat dans ce domaine.<\/p>\n En 2021, l\u2019\u00c9tat est redevenu le premier contributeur des subventions d\u2019investissement (42,3\u00a0%), cette forte progression est toutefois li\u00e9e aux financements (temporaires\u00a0?) \u00e0 destination de l\u2019Anah (MaPrimR\u00e9nov\u2019). Ce n\u2019\u00e9tait plus le cas depuis 2005. Sachant par ailleurs que la contribution des collectivit\u00e9s locales est probablement sous-estim\u00e9e, notamment en raison des aides \u00ab\u00a0en nature\u00a0\u00bb (foncier d\u00e9cot\u00e9 notamment) qui ne sont retrac\u00e9es nulle part.<\/p>\n Graphique 1\u00a0: montant des subventions d\u2019investissement selon le contributeur Le corollaire aux questions financi\u00e8res demeure le fait de disposer d\u2019une ing\u00e9nierie locale adapt\u00e9e. Sans doute faudrait-il accro\u00eetre les mutualisations entre collectivit\u00e9s, certaines pourraient mettre \u00e0 disposition de leurs voisines des experts du logement. D\u2019ailleurs, l\u2019Agence nationale de la coh\u00e9sion des territoires (ANCT), mise en place en janvier 2020, se pr\u00e9sente comme un \u00ab\u00a0partenaire pour les collectivit\u00e9s locales\u00a0\u00bb et propose justement du soutien en ing\u00e9nierie pour faciliter la d\u00e9finition et la r\u00e9alisation des projets locaux. L\u2019ing\u00e9nierie appara\u00eet de fait comme la condition n\u00e9cessaire \u00e0 la r\u00e9ussite de tout transfert de comp\u00e9tences.<\/p>\n Nous n\u2019avons pas \u00e9voqu\u00e9 ici la question de la mission sociale des d\u00e9partements et du lien avec la politique du logement. Une d\u00e9centralisation avanc\u00e9e imposera de revoir \u00e9galement les comp\u00e9tences des diff\u00e9rentes strates et leurs compl\u00e9mentarit\u00e9s. Diff\u00e9rents niveaux de collectivit\u00e9 pourraient \u00eatre associ\u00e9s \u00e0 un m\u00eame objectif. Il sera important d\u2019\u00e9viter que la nouvelle organisation ne conduise \u00e0 une complexification des dispositifs, chaque strate d\u00e9finissant ses propres r\u00e8gles qui ne seraient pas compatibles entre elles. *\u00a0 \u00a0 * En conclusion, il ressort que la question du logement pourrait largement \u00eatre d\u00e9centralis\u00e9e vu les enjeux locaux qu\u2019elle recouvre et la responsabilit\u00e9 de plus en plus forte qui repose sur les \u00e9lus locaux dans ce domaine. Ils ont devant eux de nouveaux combats \u00e0 mener, ceux de la transition \u00e9cologique, de la sobri\u00e9t\u00e9 fonci\u00e8re et de la crise du logement qui est en germe, avec parfois des objectifs contradictoires. Claire Guidi<\/strong> [1]<\/a> Le site du Larousse ajoute deux autres points\u00a0: [2]<\/a> cf. article de la Fondation Jean Jaur\u00e8s<\/a><\/p>\n [3]<\/a> http:\/\/logement.web-pme.fr\/dictionnaire-du-logement\/p\/programme-local-de-lhabitat-plh\/<\/p>\n [4]<\/a> https:\/\/www.brest.fr\/actus-agenda\/actualites\/actualites-2561\/brest-metropole-designee-comme-autorite-organisatrice-de-lhabitat-1611153.html<\/p>\n [5]<\/a> Tribune publi\u00e9e par News Tank en mai 2022, \u00ab\u00a0Politiques de l\u2019habitat et d\u00e9centralisation\u00a0: passer des discours aux actes<\/a>\u00a0\u00bb, Jean-Claude Driant<\/p>\n [6]<\/a> Titre du dossier du magazine Intercommunalit\u00e9s<\/em> d\u2019avril 2019, n\u00b0238\u00a0: \u00ab\u00a0Habitat et logement\u00a0: la d\u00e9centralisation inachev\u00e9e\u00a0\u00bb<\/p>\n [7]<\/a> https:\/\/www.gouvernement.fr\/discours\/discours-de-la-premiere-ministre-elisabeth-borne-a-la-32eme-convention-des-intercommunalites-de-france<\/p>\n [8]<\/a>[8] https:\/\/www.vie-publique.fr\/discours\/286751-emmanuel-macron-10102022-presence-de-l-etat-dans-les-territoires<\/p>\n [9]<\/a> http:\/\/logement.web-pme.fr\/dictionnaire-du-logement\/w-x-y-z\/les-zonages-de-la-politique-du-logement\/<\/p>\n [10]<\/a> Le zonage ABC a \u00e9t\u00e9 cr\u00e9\u00e9 en 2003 dans le cadre du dispositif d\u2019investissement locatif dit \u00ab Robien \u00bb. Il a \u00e9t\u00e9 refondu depuis, en 2006, 2009 et 2014. Depuis 2014, le zonage a fait l\u2019objet de deux r\u00e9visions partielles en 2019 et en 2022. [11]<\/a> D\u00e9p\u00eache n\u00b0657700, publi\u00e9e le 03\/09\/2021, r\u00e9dig\u00e9e par \u00c9lodie Raiti\u00e8re<\/p>\n [12]<\/a> http:\/\/logement.web-pme.fr\/2019\/09\/le-logement-en-allemagne-debut-dorage-dans-un-ciel-jadis-serein\/<\/a><\/p>\n [13]<\/a> Rapport du Compte du logement 2021<\/a>, Datalab\u00a0: document \u00e9dit\u00e9 par le Service des donn\u00e9es et \u00e9tudes statistiques (SDES)<\/p>\n
\nEn janvier 2020, pour pr\u00e9parer la loi appel\u00e9e \u00e0 l\u2019\u00e9poque \u00ab 3D \u00bb pour \u00ab diff\u00e9renciation, d\u00e9centralisation, d\u00e9concentration \u00bb et \u00e0 deux mois de la crise sanitaire qui allait bloquer le pays, le premier ministre, Edouard Philippe, avait adress\u00e9 une circulaire aux pr\u00e9fets de r\u00e9gion pour organiser la concertation sur la r\u00e9partition et l\u2019exercice des comp\u00e9tences des collectivit\u00e9s territoriales. Cette circulaire, compos\u00e9e de 53 pages, annexes incluses, comprend des fiches techniques p\u00e9dagogiques dans lesquelles on peut lire diff\u00e9rents rappels et d\u00e9finitions.
\nIl est \u00e9crit qu\u2019\u00ab\u00a0une d\u00e9centralisation aboutie est un transfert d\u2019une politique publique, assum\u00e9, pla\u00e7ant la collectivit\u00e9 en situation de pleine responsabilit\u00e9 d\u00e9mocratique, lisible pour le citoyen, sans doublon et sinc\u00e8re financi\u00e8rement. Sa r\u00e9ussite, c\u2019est-\u00e0-dire l\u2019efficacit\u00e9 et l\u2019efficience qui doivent en r\u00e9sulter en termes d\u2019action publique, doit \u00eatre \u00e9valu\u00e9e, sous le contr\u00f4le du Parlement, seul comp\u00e9tent pour d\u00e9terminer les comp\u00e9tences des collectivit\u00e9s territoriales.\u00a0\u00bb
\nLa circulaire d\u00e9finit trois autres modes de relation entre l\u2019\u00c9tat et les collectivit\u00e9s territoriales\u00a0:
\n– la d\u00e9l\u00e9gation: le Code g\u00e9n\u00e9ral des collectivit\u00e9s territoriales \u00ab pr\u00e9voit la possibilit\u00e9 pour l\u2019\u00c9tat, sauf lorsque sont en cause des int\u00e9r\u00eats nationaux, de d\u00e9l\u00e9guer par convention \u00e0 une collectivit\u00e9 territoriale ou \u00e0 un \u00e9tablissement public de coop\u00e9ration intercommunale \u00e0 fiscalit\u00e9 propre qui en fait la demande l’exercice de certaines de ses comp\u00e9tences \u00bb ;
\n– la contractualisation: il s\u2019agit d\u2019une modalit\u00e9 d\u2019accord souple, l\u2019\u00c9tat et la collectivit\u00e9 concern\u00e9e conventionnant librement ;
\n– la participation \u00e0 la gouvernance: les repr\u00e9sentants des collectivit\u00e9s territoriales peuvent \u00eatre associ\u00e9s \u00e0 la gouvernance de certaines structures.
\nParmi ces quatre possibilit\u00e9s, la d\u00e9centralisation appara\u00eet comme la forme la plus aboutie de relation entre l\u2019\u00c9tat et les collectivit\u00e9s \u2013 au sens du transfert de responsabilit\u00e9 \u2013, celle qui permet d\u2019affecter pleinement la comp\u00e9tence concern\u00e9e aux territoires.
\nLa circulaire de 2020 \u00e9voque \u00e9galement trois autres pistes pour cette fois adapter le droit aux sp\u00e9cificit\u00e9s locales\u00a0: la diff\u00e9renciation, l\u2019exp\u00e9rimentation et la d\u00e9volution du pouvoir r\u00e8glementaire local.
\nLa diff\u00e9renciation est possible constitutionnellement, est-il \u00e9crit. Il est notamment rappel\u00e9 que le principe constitutionnel d\u2019\u00e9galit\u00e9, applicable aux collectivit\u00e9s territoriales \u00ab\u00a0ne s’oppose ni \u00e0 ce que le l\u00e9gislateur r\u00e8gle de fa\u00e7on diff\u00e9rente des situations diff\u00e9rentes, ni \u00e0 ce qu’il d\u00e9roge \u00e0 l’\u00e9galit\u00e9 pour des raisons d’int\u00e9r\u00eat g\u00e9n\u00e9ral pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la diff\u00e9rence de traitement qui en r\u00e9sulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’\u00e9tablit.\u00a0\u00bb Toutefois, une modification de la Constitution serait n\u00e9cessaire pour introduire un \u00ab\u00a0droit \u00e0 la diff\u00e9renciation\u00a0\u00bb entre collectivit\u00e9s territoriales, \u00ab\u00a0permettant \u00e0 certaines d\u2019entre elles, d\u2019une part, d\u2019exercer des comp\u00e9tences diff\u00e9rentes de celles qu\u2019exercent les collectivit\u00e9s territoriales de la m\u00eame cat\u00e9gorie et, d\u2019autre part, d\u2019appliquer des r\u00e8gles diff\u00e9rentes \u00e0 l\u2019exercice des comp\u00e9tences, sans qu\u2019il leur soit n\u00e9cessaire, dans les deux cas, de justifier d\u2019une diff\u00e9rence objective de situation\u00a0\u00bb.
\nL\u2019exp\u00e9rimentation<\/strong>, quant \u00e0 elle, doit s\u2019inscrire dans le respect des r\u00e8gles de comp\u00e9tences de la collectivit\u00e9 et avoir un objet d\u00e9fini. La circulaire de 2020 pr\u00e9cise qu\u2019elle ne peut \u00ab\u00a0d\u00e9roger que de mani\u00e8re limit\u00e9e au principe d\u2019\u00e9galit\u00e9\u00a0\u00bb. Dans son \u00e9tude publi\u00e9e en octobre 2019 et intitul\u00e9e \u00ab\u00a0les exp\u00e9rimentations\u00a0: comment innover dans la conduite des politiques publiques\u00a0?\u00a0\u00bb, le Conseil d\u2019\u00c9tat rappelle que l\u2019exp\u00e9rimentation est inscrite dans la Constitution depuis 2003. On peut y lire que \u00ab\u00a0dans les ann\u00e9es 1990, les pays anglo-saxons ont d\u00e9velopp\u00e9 une approche des politiques publiques fond\u00e9es sur les preuves (evidence-based policy<\/em>) qui repose sur un ensemble de m\u00e9thodes inspir\u00e9es des sciences sociales.\u00a0\u00bb
\nL\u2019\u00e9tude indique que deux articles de la constitution fran\u00e7aise sont aujourd\u2019hui consacr\u00e9s \u00e0 l\u2019exp\u00e9rimentation\u00a0:
\n– l\u2019article 37-1 qui permet la mise en \u0153uvre d\u2019exp\u00e9rimentations dans des champs tr\u00e8s divers de l\u2019action publique et par de multiples op\u00e9rateurs dont l\u2019\u00c9tat,
\n– l\u2019article 72 qui autorise plus sp\u00e9cifiquement les collectivit\u00e9s territoriales \u00e0 d\u00e9roger \u00e0 une loi ou une r\u00e8glementation nationale r\u00e9gissant l\u2019exercice de leurs comp\u00e9tences, dans le cadre d\u2019une exp\u00e9rimentation.
\nLe Conseil d\u2019\u00c9tat pr\u00e9cise \u00e9galement qu\u2019une exp\u00e9rimentation ne n\u00e9cessite toutefois pas toujours de d\u00e9roger \u00e0 une r\u00e8gle, et que de nombreuses exp\u00e9rimentations men\u00e9es en France sont r\u00e9alis\u00e9es sans se fonder sur ces articles.
\nEn annexe de l\u2019\u00e9tude, on peut lire la liste des exp\u00e9rimentations en cours, notamment celles men\u00e9es sur le fondement de l\u2019article 37-1 comme l\u2019exp\u00e9rimentation de la fixation d\u2019un loyer unique dans le parc social pr\u00e9vue par la loi Egalit\u00e9 et citoyennet\u00e9 de 2017 ou l\u2019encadrement des loyers du parc priv\u00e9 en zone tendue pr\u00e9vu par la loi portant \u00e9volution du logement, de l’am\u00e9nagement et du num\u00e9rique, dite loi Elan, de 2018. Aucune exp\u00e9rimentation li\u00e9e au logement ne relevait de l\u2019article 72 de la constitution.
\nLa d\u00e9volution du pouvoir r\u00e9glementaire local s\u2019inscrit justement dans les possibilit\u00e9s offertes par cet article 72. Toutefois, la circulaire de 2020 rappelle que l\u2019exercice d\u2019un pouvoir r\u00e9glementaire par les collectivit\u00e9s locales doit \u00eatre le plus souvent explicitement pr\u00e9vu par la loi et assorti par celle-ci de l\u2019encadrement appropri\u00e9.
\nAjoutons aux options possibles la d\u00e9concentration, <\/strong>forme la plus aboutie pour laisser le pouvoir \u00e0 l\u2019\u00c9tat mais au niveau local. Le site \u00ab\u00a0vie publique\u00a0\u00bb rappelle que \u00ab\u00a0c\u2019est un processus d\u2019am\u00e9nagement de l\u2019\u00c9tat unitaire qui consiste \u00e0 implanter des autorit\u00e9s administratives repr\u00e9sentant l\u2019\u00c9tat dans des circonscriptions administratives locales. Ces autorit\u00e9s sont d\u00e9pourvues d’autonomie et de personnalit\u00e9 morale.\u00a0\u00bb Le pr\u00e9fet est une autorit\u00e9 d\u00e9concentr\u00e9e, nomm\u00e9e et r\u00e9voqu\u00e9e par le pouvoir central. L\u2019\u00ab\u00a0\u00c9tat local\u00a0\u00bb, comme on le traduit souvent, s\u2019appuie sur des services d\u00e9concentr\u00e9s tels que les directions r\u00e9gionales de l\u2019environnement, de l\u2019am\u00e9nagement et du logement (DREAL) et les directions d\u00e9partementales des territoires (DDT) ou directions d\u00e9partementales des territoires et de la mer (DDTM) qui sont le relais des DREAL.
\nCes rappels confirment que la gradation des possibles laisse le choix au gouvernement d\u2019actes et de d\u00e9sengagements plus ou moins forts. En mati\u00e8re de logement, l\u2019histoire r\u00e9cente montre toutefois qu\u2019il a \u00e9t\u00e9 difficile de choisir pleinement entre les options offertes\u00a0: les outils se sont multipli\u00e9s, faute peut-\u00eatre de pouvoir r\u00e9gler les probl\u00e8mes de fond.<\/p>\nDepuis 1982, une d\u00e9centralisation timide et fragment\u00e9e en mati\u00e8re de logement<\/strong><\/h3>\n
\nDans cet \u00ab acte I \u00bb est n\u00e9 le Programme local de l\u2019habitat (PLH)[3]<\/a>, cr\u00e9\u00e9 par la loi du 7 janvier 1983 relative \u00e0 la r\u00e9partition des comp\u00e9tences entre les communes, les d\u00e9partements, les r\u00e9gions et l\u2019\u00c9tat. Dans la mesure o\u00f9 il n\u2019existait pas de bloc de comp\u00e9tence habitat (l\u2019am\u00e9nagement et l\u2019urbanisme relevant de la commune, le logement de l\u2019\u00c9tat et l\u2019action sociale du d\u00e9partement), il s\u2019agissait d\u2019inciter chaque \u00e9chelon \u00e0 d\u00e9finir ses priorit\u00e9s.
\nMais le vrai \u00ab\u00a0acte I\u00a0\u00bb pour le logement peut \u00eatre dat\u00e9 des ann\u00e9es 1999-2000, sous l\u2019impulsion de deux lois et par effet ricochet, pourrait-on dire\u00a0:
\n– la loi dite \u00ab Chev\u00e8nement \u00bb de juillet 1999 qui conf\u00e8re un nouveau statut \u00e0 l\u2019intercommunalit\u00e9 avec des Etablissements publics de coop\u00e9ration intercommunale (EPCI) \u00e0 fiscalit\u00e9 propre (communaut\u00e9s de communes, communaut\u00e9s d\u2019agglom\u00e9ration et communaut\u00e9s urbaines) ;
\n– la loi dite \u00ab SRU \u00bb pour \u00ab solidarit\u00e9 et renouvellement urbain \u00bb que l\u2019on conna\u00eet surtout pour son fameux article 55 fixant un taux minimal de logement social par commune. Elle visait une meilleure articulation entre habitat et urbanisme et cherchait d\u00e9j\u00e0 \u00e0 limiter l\u2019\u00e9talement urbain. Les lois de 1982 avaient dissoci\u00e9 la responsabilit\u00e9 du logement de celle de la politique urbaine, la comp\u00e9tence logement restant centralis\u00e9e et l\u2019urbanisme atomis\u00e9 entre les plus de 36 000 communes.
\n\u00ab\u00a0L\u2019acte II\u00a0\u00bb de la d\u00e9centralisation a \u00e9t\u00e9 initi\u00e9 par Jean-Pierre Raffarin, alors premier ministre. Durant cette p\u00e9riode, la loi d\u2019ao\u00fbt 2004 relative aux libert\u00e9s et responsabilit\u00e9s locales permet \u00e0 l\u2019\u00c9tat de d\u00e9l\u00e9guer la gestion des aides \u00e0 la pierre (parc locatif social et parc priv\u00e9, ce dernier relevant de l\u2019Agence nationale pour l\u2019habitat) aux EPCI comp\u00e9tents en mati\u00e8re d\u2019habitat ainsi qu\u2019aux d\u00e9partements. Cette d\u00e9l\u00e9gation s\u2019entend pour six ans renouvelables.
\nAutre \u00e9volution\u00a0: les fonds de solidarit\u00e9 pour le logement (FSL), cr\u00e9\u00e9s en 1990, destin\u00e9s \u00e0 aider les m\u00e9nages ayant de faibles ressources et rencontrant des difficult\u00e9s li\u00e9es au logement, ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9centralis\u00e9s. Initialement co-pilot\u00e9s et financ\u00e9s \u00e0 parit\u00e9 par l\u2019\u00c9tat et les d\u00e9partements, les FSL sont depuis 2005 sous la seule responsabilit\u00e9 administrative et financi\u00e8re des d\u00e9partements.
\nEn 2006, la loi portant engagement national pour le logement (dite ENL) cr\u00e9e le plan d\u00e9partemental de l\u2019habitat (PDH) visant \u00e0 assurer la coh\u00e9rence des politiques du logement entre les territoires couverts par un PLH et le reste du d\u00e9partement.
\nEn 2009, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l\u2019exclusion (dite Molle) \u00e9largit la bo\u00eete \u00e0 outils des territoires, en particulier en mati\u00e8re d\u2019intervention sur le parc priv\u00e9. Elle cr\u00e9e l’obligation pour chaque organisme HLM de conclure une convention avec l’\u00c9tat (convention d’utilit\u00e9 sociale). \u00c0 noter que, dans un mouvement inverse \u00e0 la d\u00e9centralisation, l\u2019ex-\u00ab\u00a01\u00a0% logement\u00a0\u00bb devient, \u00e0 ce moment-l\u00e0, Action Logement et r\u00e9duit son r\u00e9seau \u00e0 une vingtaine de collecteurs contre une centaine auparavant.
\nDepuis 2012 s\u2019est ouvert \u00ab\u00a0l\u2019acte III\u00a0\u00bb de la d\u00e9centralisation, toujours dans une logique de \u00ab\u00a0pas \u00e0 pas\u00a0\u00bb concernant le logement.
\nEn 2014, deux lois se sont succ\u00e9d\u00e9\u00a0: en janvier, la loi de modernisation de l\u2019action publique territoriale et d\u2019affirmation des m\u00e9tropoles (dite MAPTAM) qui a notamment renforc\u00e9 les comp\u00e9tences des m\u00e9tropoles et cr\u00e9\u00e9 celle du Grand Paris\u00a0; puis en mars, la loi pour l\u2019acc\u00e8s au logement et un urbanisme r\u00e9nov\u00e9 (dite Alur) qui a rendu possible l\u2019encadrement des loyers pour les zones en tension et transf\u00e9r\u00e9 aux EPCI la comp\u00e9tence PLU ainsi que certaines responsabilit\u00e9s relatives aux politiques d\u2019attribution des logements sociaux, renforc\u00e9es par la loi Egalit\u00e9 et Citoyennet\u00e9.
\nL\u2019article 122 de la loi Alur pr\u00e9voit express\u00e9ment d\u2019\u00ab\u00a0\u00e9largir les d\u00e9l\u00e9gations de comp\u00e9tence en mati\u00e8re de politique du logement\u00a0\u00bb. La convention de d\u00e9l\u00e9gation doit pr\u00e9ciser les objectifs poursuivis et les actions \u00e0 mettre en \u0153uvre en mati\u00e8re de r\u00e9alisation, de r\u00e9habilitation et de d\u00e9molition de logements locatifs sociaux, ainsi qu’en mati\u00e8re de r\u00e9novation de l’habitat priv\u00e9, notamment dans le cadre d’op\u00e9rations programm\u00e9es d’am\u00e9lioration de l’habitat. Elle doit sp\u00e9cifier, par commune, les objectifs et les actions men\u00e9es dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne. Il y a des axes obligatoires\u00a0: l’attribution des aides au logement locatif social et la notification aux b\u00e9n\u00e9ficiaires et l’attribution des aides en faveur de l’habitat priv\u00e9. La d\u00e9l\u00e9gation peut \u00e9galement porter sur tout ou partie d\u2019autres comp\u00e9tences\u00a0: la garantie du droit \u00e0 un logement d\u00e9cent, la mise en \u0153uvre de la proc\u00e9dure de r\u00e9quisition, la gestion de la veille sociale, de l’accueil, de l’h\u00e9bergement et de l’accompagnement au logement de toute personne ou famille sans domicile ou \u00e9prouvant des difficult\u00e9s particuli\u00e8res d’acc\u00e8s au logement. Il est pr\u00e9vu que la convention de d\u00e9l\u00e9gation fixe, \u00ab\u00a0d’une part, dans la limite des dotations ouvertes en loi de finances, le montant des droits \u00e0 engagement allou\u00e9s \u00e0 [l\u2019EPCI] et, d’autre part, le montant des cr\u00e9dits que celui-ci affecte sur son propre budget \u00e0 la r\u00e9alisation des objectifs de la convention\u00a0\u00bb.
\nLe 25 avril 2019, lors de la conf\u00e9rence de presse cons\u00e9cutive au Grand D\u00e9bat national lanc\u00e9 apr\u00e8s la crise des gilets jaunes, le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique a annonc\u00e9 vouloir \u00ab\u00a0ouvrir un nouvel acte de d\u00e9centralisation adapt\u00e9 \u00e0 chaque territoire. [\u2026] ce nouvel acte de d\u00e9centralisation doit porter sur des politiques de la vie quotidienne, le logement, le transport, la transition \u00e9cologique, pour garantir des d\u00e9cisions prises au plus pr\u00e8s du terrain\u00a0\u00bb.
\n<\/em>Quelques mois apr\u00e8s ces d\u00e9clarations, naissait le projet de loi \u00ab\u00a03D\u00a0\u00bb. Apr\u00e8s de nombreux d\u00e9bats, ce projet est devenu, en f\u00e9vrier 2022, la loi \u00ab\u00a03DS\u00a0\u00bb\u00a0: le \u00ab\u00a0s\u00a0\u00bb de \u00ab\u00a0simplification\u00a0\u00bb a remplac\u00e9 le \u00ab\u00a0d\u00a0\u00bb de \u00ab\u00a0d\u00e9complexification\u00a0\u00bb (on parlait initialement de loi \u00ab\u00a03D\u00a0\u00bb puis \u00ab\u00a04D\u00a0\u00bb et enfin \u00ab\u00a03DS\u00a0\u00bb).
\nL\u2019intervention d\u2019Emmanuel Macron en 2019 et la circulaire de 2020 avaient fait na\u00eetre des espoirs d\u2019\u00e9volution significative chez les tenants de la d\u00e9centralisation mais force est de constater que la loi \u00ab\u00a03DS\u00a0\u00bb n\u2019a pas boulevers\u00e9 le cadre institutionnel. En mati\u00e8re de logement, d\u2019am\u00e9nagement et d\u2019urbanisme, elle a conduit notamment \u00e0 une p\u00e9rennisation de la loi SRU sur la construction de logements sociaux, \u00e0 la prolongation de l\u2019exp\u00e9rimentation de l\u2019encadrement des loyers en zones tendues et \u00e0 un contr\u00f4le du pr\u00e9fet sur les PLU en vue d\u2019atteindre l\u2019objectif \u00ab\u00a0Z\u00e9ro artificialisation nette\u00a0\u00bb (ZAN) d\u2019ici 2050.
\nSeule avanc\u00e9e r\u00e9elle, la cr\u00e9ation des autorit\u00e9s organisatrices de l\u2019habitat (AOH) sur le mod\u00e8le de l\u2019autorit\u00e9 organisatrice de la mobilit\u00e9 (AOM). La premi\u00e8re AOH est la m\u00e9tropole de Brest (arr\u00eat\u00e9 pr\u00e9fectoral du 19 juillet 2022).
\nPour \u00eatre reconnues AOH, les collectivit\u00e9s candidates doivent remplir, de fa\u00e7on cumulative, quatre conditions, ce qui limite les possibles\u00a0:
\n– avoir adopt\u00e9 un PLUi ;
\n– disposer d\u2019un PLH ex\u00e9cutoire ;
\n– avoir sign\u00e9 une convention intercommunale d\u2019attribution (CIA) ;
\n– \u00eatre d\u00e9l\u00e9gataire des aides \u00e0 la pierre.
\nLa m\u00e9tropole de Brest serait pr\u00eate \u00e0 aller plus loin et indique qu\u2019elle \u00ab\u00a0s\u2019inscrira par ailleurs pleinement dans l\u2019esprit du l\u00e9gislateur pour donner corps \u00e0 un statut qui reste \u00e0 \u00eatre \u00e9toff\u00e9, notamment par une possible d\u00e9centralisation des financements des politiques de l\u2019habitat.\u00a0\u00bb[4] <\/a>Mais, comme l\u2019\u00e9crit[5]<\/a> Jean-Claude Driant en parlant des AOH, il s\u2019agit surtout d\u2019une \u00ab\u00a0mesure symbolique reconnaissant par un statut nouveau les intercommunalit\u00e9s qui ont su s\u2019approprier les comp\u00e9tences qui leur ont \u00e9t\u00e9 progressivement impos\u00e9es ou propos\u00e9es depuis la fin des ann\u00e9es 1990\u00a0\u00bb.
\nLe fait que, le 10 octobre 2022, soit un peu plus de cinq mois apr\u00e8s sa r\u00e9\u00e9lection, le chef de l\u2019\u00c9tat revienne sur le sujet de mani\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale et qu\u2019il parle d\u2019une \u00ab\u00a0vraie d\u00e9centralisation\u00a0\u00bb, montre bien que l\u2019exercice de 2020 et la loi de d\u00e9but 2022 n\u2019ont pas abouti, selon lui, au changement attendu.<\/p>\nLes questions que poserait une \u00ab\u00a0vraie\u00a0\u00bb d\u00e9centralisation de la comp\u00e9tence logement<\/strong><\/h3>\n
\nD\u00e9but octobre 2022 \u00e0 Bordeaux, lors de la 32\u00e8me<\/sup> Convention des intercommunalit\u00e9s, la Premi\u00e8re ministre a indiqu\u00e9 que le logement faisait partie des trois \u00ab\u00a0d\u00e9fis\u00a0\u00bb que l\u2019\u00c9tat et les intercommunalit\u00e9s devraient relever ensemble. Elisabeth Borne a pr\u00e9cis\u00e9\u00a0: \u00ab\u00a0nous devons placer les moyens et les responsabilit\u00e9s \u00e0 l\u2019\u00e9chelle du bassin de vie, tout en r\u00e9pondant aux exigences de production de logements et de mixit\u00e9 sociale. C\u2019est pourquoi, comme le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique s\u2019y \u00e9tait engag\u00e9, nous m\u00e8nerons une r\u00e9forme de la politique du logement fond\u00e9e sur la d\u00e9centralisation des comp\u00e9tences de l\u2019\u00c9tat. C\u2019est un chantier important. Je suis pr\u00eate \u00e0 le lancer avec vous tr\u00e8s prochainement\u00a0\u00bb, a-t-elle lanc\u00e9 aux pr\u00e9sidents d\u2019intercommunalit\u00e9s pr\u00e9sents.[7]. <\/a>Et le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique d\u2019ajouter quelques jours plus tard, \u00e0 la question de savoir s\u2019il faut d\u00e9centraliser ou d\u00e9concentrer, que, l\u00e0 aussi, il croit au \u00ab\u00a0en m\u00eame temps\u00a0\u00bb. \u00ab\u00a0Il n\u2019y a pas de territoires dans lequel il n\u2019y a plus d\u2019espoir. Il y a des territoires qui ont des projets, des territoires qui n\u2019ont pas de projet\u00a0\u00bb[8]<\/a>, a-t-il l\u00e2ch\u00e9.
\nL\u2019exemple du Programme \u00ab\u00a0Action C\u0153ur de ville\u00a0\u00bb (ACV) conduit \u00e0 s\u2019interroger sur des points essentiels en mati\u00e8re de m\u00e9thode. Ce type de programmes, que ce soit dans les quartiers relevant de la politique de la ville avec l\u2019Agence nationale pour la r\u00e9novation urbaine comme ceux dans les centres anciens avec ACV, a vocation \u00e0 financer des projets d\u00e9finis au plus pr\u00e8s du terrain. Une fois la liste des territoires \u00e9ligibles \u00e9tablie, c\u2019est aux acteurs locaux de monter leur projet et de le d\u00e9fendre pour qu\u2019il soit financ\u00e9. Ce type de dispositif pr\u00e9sente toutefois trois inconv\u00e9nients\u00a0:
\n1\/ il couvre certains territoires, de mani\u00e8re volontairement discriminante (les territoires non-\u00e9lus doivent se d\u00e9brouiller avec le droit commun)\u00a0;
\n2\/ le choix des territoires concern\u00e9s reste du ressort de l\u2019\u00c9tat et de ses partenaires\u00a0;
\n3\/ la dynamique de projet d\u00e9pend de l\u2019ing\u00e9nierie locale et il y a des situations h\u00e9t\u00e9rog\u00e8nes, voire des insuffisances dans certains cas.
\n\u00c9videmment, les collectivit\u00e9s demandent globalement que leurs sp\u00e9cificit\u00e9s soient reconnues et qu\u2019il leur soit possible de piloter les politiques de l\u2019habitat en tenant compte de la diversit\u00e9 des r\u00e9alit\u00e9s locales. Mais parall\u00e8lement, elles soulignent souvent la n\u00e9cessit\u00e9 de disposer d\u2019un cadre d\u2019action global qui permette la solidarit\u00e9 nationale et une visibilit\u00e9 de moyen-long terme sur les financements affect\u00e9s.
\nAu-del\u00e0 des sujets juridiques et institutionnels qui ne sont pas trait\u00e9s ici, deux questions apparaissent donc majeures\u00a0:
\n– quelles comp\u00e9tences d\u00e9l\u00e9guer en garantissant la coh\u00e9sion des territoires et en \u00e9vitant l\u2019accroissement des fractures ? (A)
\n– comment assurer les collectivit\u00e9s concern\u00e9es qu\u2019elles disposeront des moyens financiers et humains n\u00e9cessaires \u00e0 l\u2019exercice de ces comp\u00e9tences dans le temps ? (B)<\/p>\n(A) Trois sujets potentiellement d\u00e9centralisables<\/strong><\/h3>\n
Les zonages<\/strong>[9]<\/a><\/h4>\n
\nCe choix, qui pourrait relever des EPCI puisqu\u2019ils portent les PLH, renvoie \u00e9galement \u00e0 la question des politiques fiscales et des r\u00e8glementations associ\u00e9es. Il y aurait sans doute des effets de bords et les r\u00e9gions, chefs de file en mati\u00e8re d\u2019am\u00e9nagement du territoire, pourraient \u00eatre les gardiennes de la coh\u00e9rence globale des d\u00e9cisions des intercommunalit\u00e9s.
\nUn autre zonage, dit \u00ab\u00a01\/2\/3\u00a0\u00bb, s\u2019applique pour le calcul des aides personnelles au logement (AL et APL) et sert \u00e9galement \u00e0 d\u00e9terminer les plafonds de loyer du logement social.<\/p>\n
\nOn peut \u00e9galement lier \u00e0 cet enjeu deux autres objectifs en mati\u00e8re de r\u00e9gulation des march\u00e9s\u00a0: la r\u00e9gulation des locations touristiques de courte dur\u00e9e et l\u2019encadrement des loyers<\/strong>, de plus en plus r\u00e9clam\u00e9 dans les grandes agglom\u00e9rations. Il faudrait trancher entre deux options\u00a0: laisser le choix \u00e0 l\u2019\u00c9tat de d\u00e9cider quelles collectivit\u00e9s doivent \u00eatre concern\u00e9es ou laisser au local la libert\u00e9 d\u2019encadrement en fixant uniquement des crit\u00e8res objectifs au niveau national (niveaux de prix, \u00e9volution des prix\u2026).<\/p>\nLa sobri\u00e9t\u00e9 fonci\u00e8re<\/strong><\/h4>\n
\nParall\u00e8lement et pour faire face au syst\u00e8me de poup\u00e9es russes mis en place avec les diff\u00e9rents sch\u00e9mas et plans (sch\u00e9mas r\u00e9gionaux, p\u00e9rim\u00e8tres SCOT, PLH, PLU, PLUiH), il faudrait aller plus loin en permettant aux EPCI de disposer de la comp\u00e9tence des permis de construire. La difficult\u00e9 est de passer outre l\u2019opposition des maires, relay\u00e9e par le S\u00e9nat.
\nSe poserait \u00e9galement la question d\u2019un v\u00e9ritable transfert de comp\u00e9tence en mati\u00e8re d\u2019aides \u00e0 la pierre, c\u2019est-\u00e0-dire permettre de d\u00e9passer le syst\u00e8me de convention de d\u00e9l\u00e9gation en place aujourd\u2019hui. Cela obligerait \u00e0 imaginer une articulation avec d\u2019une part, l\u2019article 55 de la loi SRU car c\u2019est le pr\u00e9fet qui a le pouvoir de pr\u00e9emption et de mobilisation des aides le cas \u00e9ch\u00e9ant, d\u2019autre part le droit au logement opposable (DALO).
\nCette d\u00e9centralisation en mati\u00e8re de production m\u00e9rite toutefois des garde-fous vu l\u2019exemple allemand. \u00ab\u00a0La comp\u00e9tence de la production de logements sociaux a \u00e9t\u00e9 transf\u00e9r\u00e9e aux r\u00e9gions en 2006 et depuis la production a \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s faible, de l\u2019ordre de 10\u00a0000 logements par an\u00a0\u00bb, \u00e9crit Jean-Pierre Schaefer dans un article dat\u00e9 de 2019 et pointant un d\u00e9but d\u2019orage chez nos voisins[12]<\/a>.<\/p>\nLa r\u00e9novation \u00e9nerg\u00e9tique<\/strong><\/h4>\n
(B) Quelle r\u00e9partition financi\u00e8re ?<\/strong><\/h3>\n
Au moins trois logiques possibles<\/strong><\/h4>\n
\n– Logique d\u2019imp\u00f4ts locaux affect\u00e9s : apr\u00e8s que l\u2019\u00c9tat a supprim\u00e9 la taxe d\u2019habitation et bient\u00f4t la contribution sur la valeur ajout\u00e9e (CVAE), cette piste semble la moins probable, sauf \u00e0 imaginer un transfert partiel de TVA li\u00e9e au logement comme le proposent certains.
\n– Logique d\u2019enveloppe pluriannuelle : dans cette option, la collectivit\u00e9 serait amen\u00e9e \u00e0 rembourser l\u2019\u00c9tat si toute l\u2019enveloppe affect\u00e9e n\u2019\u00e9tait pas consomm\u00e9e, ce qui conduirait \u00e0 renforcer la culture du r\u00e9sultat. Le fait d\u2019engager des plans pluriannuels donnerait de la visibilit\u00e9 et permettrait un meilleur pilotage, en limitant le risque de remise en cause annuelle et en veillant \u00e0 une coh\u00e9rence des objectifs (sobri\u00e9t\u00e9 fonci\u00e8re \/ besoins en logement \/ d\u00e9veloppement \u00e9conomique \/ r\u00e9habilitation lourde).
\nSauf pour la deuxi\u00e8me option, peu probable, se pose la question du montant de l\u2019enveloppe nationale, fix\u00e9e notamment en fonction de consid\u00e9rations budg\u00e9taires globales et de crit\u00e8res de r\u00e9partition. Quel outil indiscutable utiliser pour affecter les ressources ? Il faudrait d\u00e9finir des r\u00e8gles \u00e0 partir d\u2019une \u00e9valuation commune des besoins, par l\u2019\u00c9tat et les collectivit\u00e9s. Est-ce cette ambition que pointait la circulaire de 2020 en parlant d\u2019une d\u00e9centralisation \u00ab sinc\u00e8re financi\u00e8rement \u00bb ?<\/p>\nDes interrogations toutefois face au d\u00e9sengagement de l\u2019\u00c9tat<\/strong><\/h4>\n
\n<\/a><\/strong><\/p>\nD\u2019autres questions \u00e0 traiter<\/strong><\/h3>\n
\nAutre sujet qui n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 trait\u00e9 dans cet article compte-tenu des turbulences que traverse (encore) le Groupe Action Logement\u00a0: la collecte de la Participation des employeurs \u00e0 l\u2019effort de construction (PEEC). Dans une note dat\u00e9e de l\u2019\u00e9t\u00e9 2022, Intercommunalit\u00e9s de France mentionne l\u2019id\u00e9e d\u2019engager une r\u00e9flexion sur la r\u00e9gionalisation de la PEEC dans l\u2019objectif de renforcer la d\u00e9l\u00e9gation des aides \u00e0 la pierre. Cette approche pourrait toutefois d\u00e9stabiliser plus encore le mouvement paritaire, remettre en cause ses principes de p\u00e9r\u00e9quation et de solidarit\u00e9 nationales ainsi que cr\u00e9er de nouvelles fractures territoriales.
\nL\u2019ensemble des pistes mentionn\u00e9es dans cet article vise \u00e0 la fois la m\u00e9tropole et l\u2019Outre-mer. Un article sp\u00e9cifique m\u00e9riterait cependant d\u2019\u00eatre r\u00e9dig\u00e9 pour \u00e9voquer la situation des territoires ultra-marins et leur diversit\u00e9, notamment institutionnelle[14]<\/a>.<\/p>\n
\n*<\/p>\n
\nEntre les r\u00e9ticences face \u00e0 l\u2019acte de construire et l\u2019imp\u00e9rieuse n\u00e9cessit\u00e9 de r\u00e9pondre aux attentes des Fran\u00e7ais, il est important de rappeler que la d\u00e9centralisation du logement ne pourra \u00eatre efficace que si elle repose sur deux piliers indissociables\u00a0: aborder les besoins en quantit\u00e9 et en qualit\u00e9. L\u2019une ne va pas sans l\u2019autre. Il s\u2019agit de prendre en compte globalement la construction neuve et la r\u00e9habilitation tout en am\u00e9liorant les conditions de logement, c\u2019est \u00e0 dire permettre \u00e0 chacun d\u2019\u00eatre log\u00e9 convenablement, dans un environnement agr\u00e9able et b\u00e9n\u00e9ficiant d\u2019\u00e9quipements publics adapt\u00e9s. Qui va payer\u00a0? Cette question, qui impose de ne pas opposer l\u2019\u00c9tat aux collectivit\u00e9s, reste majeure \u00e0 un moment o\u00f9 les d\u00e9bats relatifs au projet de loi de finances ne font pas du logement un sujet-cl\u00e9 et o\u00f9 l\u2019\u00c9tat compte sur Action Logement, ou sur la PEEC, pour payer certaines notes.<\/p>\n
\nNovembre 2022<\/p>\n
\n
\n– une politique d’am\u00e9nagement du territoire visant \u00e0 r\u00e9tablir l’\u00e9quilibre entre Paris et la province en incitant les entreprises industrielles et commerciales \u00e0 transf\u00e9rer leurs usines et leurs bureaux en province ;
\n– un ensemble des m\u00e9thodes d’organisation et de gestion consistant \u00e0 transf\u00e9rer le pouvoir de d\u00e9cision aux niveaux hi\u00e9rarchiques inf\u00e9rieurs.<\/p>\n
\nD\u00e9fini \u00e0 l\u2019article D304-1 du code de la construction et de l\u2019habitation, le zonage conventionnellement appel\u00e9 ABC effectue un \u00ab classement des communes du territoire national en zones g\u00e9ographiques en fonction du d\u00e9s\u00e9quilibre entre l’offre et de la demande de logements \u00bb. Source\u00a0: minist\u00e8re de la transition \u00e9cologique et de la coh\u00e9sion des territoires<\/p>\n